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est defavorise par rapport a ceux qu’il rencontre sur sa route, de meme que ces deux petits Arabes qui cirent les bottines de Rafael et de son camarade Pepico (p. 76) ou bien «un petit Arabe en guenilles»81 h qui on confie la gardę de la caleche. Bertrand utilise ici le stćróotype de 1'Arabe voleur: Rafael se vante des tours qu’il joue ś ses patrons et des petits vols «qu’il commettait couramment a la faęon des Arabes et des Juifs.»82 L’Arabe, toujours sans nom ou prenom, est indissolublement lie aux edi-fices ou aux endroits qui marquent sa difference, ainsi, un gourbi est pres-que toujours habitó par un Arabe, meme un gourbi abandonnć (p. 149), de meme que les cimetieres arabes, lieux privilegićs des «Mauresques» (p. 340). A des Arabes on achete aussi des fruits (p. 151) ou bien on pro-fite du domestique arabe (p. 196). Des chants arabes s’ćlevent dans la haute ville d’Alger imprecis, vagues. Jusqu’ici 1’Arabe s’avere etre quelqu’un sans grandę importance, mais aussi sans ćtiquettes pćjoratives. La situation semble changer dans le meme temps que celle de Rafael, donc au moment ou il abandonne son metier de roulier et sa vie errante du Sud pour se lancer dans les transports de vin et se fixer a Alger; a partir de ce moment-la il va travailler dans un quartier du port entourć d'une multitude de chariots et de camions; cet endroit lui semble inconnu. C’est ici que dans «le brouillard du charbon circulait toute une pouillerie arabe de toute race et de toute provenance, biskris, kabyles, et negres [...].»w
La misere arabe saute aux yeux par sa densite et par le contexte du «brouillard du charbon», ce qui souligne encore plus fortement 1’apparte-nance de ce groupe humain a celui des dćfavorisćs. Mais Bertrand ne s’arrete pas a la description impatiente des Arabes, au fur et a mesure, Rafael est degoute de ce monde multicolore et heteroclite des quais du port auquel il etait
force de se meler. Les Arabes surtout lui rćpugnaient, & cause de leur malproprete et de leur platitude. Tous ces deguenillćs, qui agitaient autour de lui leurs linges sales, lui faisaient Peffet d’une vermine se promenant sur son corps. Leur odeur 1’ecoeurait. Leurs cuisines, installćes dans tous les coins, exhalaient des relents d’huile, de beurre rance et de graillon [...] et ce que Rafael trouvait de plus intolćrable, c’etait la puanteur de ces grands poissons qu’on appelle des “chiens de mer” et dont le bas peuple se nourrit. II y en avait des piles, tout ćcorches et dćcapites, hideux ś voir. [...] Et quel etrange peuple se pressait autour de ces ofTicines! Rafael, qui se rappelait la
*' Ibid., p. 84. ,J Ibid., p. 148. u Ibid., p. 215.