PAR
PHIL1PPE DERCHAIN
L'etymologie du nom de Chou est une de celles qu'on admet le plus gćneralement. Tout le monde repete en effet depuis un siecle qu'il est derive d’un verbe swy «etre vide»,
abondammcnt attcstć et qui parait merveilleusement adapte a definir la personnalite du
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dieu tel que nous avons imagine que les Egyptiens ont pu le concevoir!. Chou, c’est,
dit-on, la personnification ou Pabstraction du vide1 2 3. A y regarder de plus pres, cependant,
on est bien contraint de reconnaitre que cette etymologie ne va pas sans difficultes
majeures, que certains ont ressenties. De Buck, a qui Ton doit une ćtude minutieuse du
role de Chou dans les Tcxtcs des Sarcophages, ecrivait: «Lc dieu qui se trouve entre ciel
et terre et qui porte le ciel est clairement Pespace entre ciel et terre, Pespace vide
son nom ne signilie pas autre chose; la radne swy a lc sens d’«etre vide». On ne peut
gućre se representer un espace vide; il est rempli d'air invisible certes, mais perceptible
en mouvemcnt cornrne vent ou comme respiration...»\ Vandier, qui revient sur le
probleme a propos des mentions de Chou dans le papyrus Jumilhac, trouve la formule
cxcellentc : «Ce vide cependant n'est pas un neant»4. Pour ces auteurs, donc, il existc une
certaine contradiction entre Pidee de «vide» et ce que fon sait de Chou, mais il sufTit
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cPadmettre que les Egyptiens en avaicnt une autre notion et on s’accommodera sans trop de mai de la traduction.
l/embarras evident des deux auteurs dans les explications qu'ils ont fournies me parait justificr un nouvel examen de la question. Sans doute ont-ils raison de ne pas vouloir apprecier la representation egyptienne du «vide» a la lumiere de nos conceptions physiques ou philosophiques. II n'est gućre probable en effet que les Egyptiens des debuts de fhistoire, quand ils inventerent les dieux, aient conęu le vide en tant que realite physique ou que necessite rationnelle. Ce sera une conquete de la pensee grecque, a laquelle du restc la notion dc vide ne shmposcra pas sans peine, puisqu’il semble que certains sages, tel Empedoclc, Paient niee, sans pourtant rencontrer la difficulte que cette negation opposait a 1'hypothesc dc la circulation des effluves5. Si donc memc
II nc saurait ćtre qucstion de reprendre ici loute la hibliographie. Je renverrai seulement a Hornung, Der Linę und die Vielen. p. 68, le dernier en datę d’une tradition qui remonte au moins a Brugsch, Religion, p. 422.
Ainsi Hornung, o.e. Sur Taspecl aćricn de Chou, voir cncorc Faulkner. JEOL 18, 266-70. i Plaais en Betekenis van Sjoe, Mededeel. K. Nederl. Akad. Wet. Afd. Lctlerkmde, 10/9, 224.
4 Vandicr, MD!AK 15, 273.
Robin, La pensie grecąue (L 'evolulion de 1'humaniie), p. 124.