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Grace a sa patience et sa dćlicatesse Auligny pense avoir «[...] gagne un peu de terrain dans son coeur»,201 mais cela n’est qu’une illusion. La bedouine est plus intelligente qu’il ne le pense, sa passivitć est róflćchie; elle lui dit:
Vous me tenez comme si j’etais prisonniere. Oui, pensait-il, prisonniere de mon grade, prisonniere de mon argent, une captive dans le lit du vainqueur. Cette parole resta toujours en lui.202
Auligny appelle Ram sa «rose de sable», non seulement parce qu’elle rappelle une fleur des sables, ces
petites masses de sable, petrifiees en des formes qui rappellent des petales de fleur [...] avec toujours ce sable dans ses oreilles, dans ses cheveux [...]. C’etait surtout parce que, a I’image des roses de sable, elle etait en surface toute grace florale, et en realite froide et inerte comme ces pierres.2*3
La tendresse ćprouvće pour Pindigene ne chasse pas les prejugćs sur les Arabes : quand Auligny apprend que Ram cache tout 1’argent et les objets qu’il lui donnę, il se rappelle 1’opinion franęaise :
ce mot de raton, dont les Franęais designent les Arabes, etait bien invente! Etemel instinct de PArabe : cacher ses richesses, cacher ses femmes, cacher sa vie, parce que, dans ce pays, on est toujours sous la menace d’etre depouilie.2*4
Le stereotype semble un remede chaque fois que PEuropćen est incapable de comprendre PArabe, on se met facilement en colere devant la tricherie ou le mutisme de PArabe qui devient pour ce demier le seul moyen de prćserver son identitć. Quand Auligny insiste pour que Ram parte avec lui b Fez, celle-ci utilise toutes sortes de stratagemes pour ne pas partir avec lui. A un moment decisif, elle avoue que son oncle de Tamghist devra lui donner sa permission :
Auligny - Comment allez-vous (avec son pere) demander & ton oncle s’il accepte que tu partes, puisqu’il est a Tamghist? - II doit venir a Birbatine. -Quand cela? - Bientót. - Mais quand, “bientót”? - Bientót! - Bientót! Tout ęa dans le vague, toujours. Et si je recevais demain mon ordre de depart, moi, tu ne partirais pas, alors, parce que tu n’as pas le consentement de ton
M. Raimond, Les Romans de Monthertant, op. cit., p. 127. ł“ H. de Montherlant, La Rosę de Sable, op. cit., p. 163.
:oJ Ibid.
Ibid., p. 155.
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