C'est ainsi qua trawers PHumanitefrivole Le vin roule de Por, eblouissant Padole;
Par le gosier de rhomme il chante ses exploits Et regne par ses dons ainsi que les vrais rois.
Charles Baudclairc Les Flcurs du Mai
IL ćtait une fois, il y a bien longtcmps, une toutc jcunc socićtć (1) qui pos-sedait bcaucoup dc terrains du cótć des remparts d'Aigucs-Mortcs.
Sa raison d'etre, le but que lui avaicnt fixć ses auteurs en la do-tant, a sa naissance, de tout ce patrimoinc, c’ćtait la production modernę du sel de mer par la reunion d’innombrables petits sa-lins, qui existaicnt, dc faęon an-cestrale, dans cctte region cou-verte d’ćtangs salćs.
Au cours des millenaircs, le Rhóne tempćtueux avait dćvcrsć sur le rivage des flots d’alluvions par ses nombreuses bouches et bati, petit k petit, la Camargue. Au fond des surfaccs ainsi ga-gnćes sur la mer s’ćtaicnt dćpo-sćes d’abord les parties les plus lourdes, les argiles, tandis que les sables, plus fins et lćgcrs, etaient alles se sedimenter plus loin au large.
Cest la qu’interviennent Eole et Neptune. Le «gregaou», le vent « grec », est le vent des tenj-petes de Sud-Est dans la region. En liaison avec le mouvement des
vagucs qui met le sablc en salta-tion, il rabat des cordons sablon-ncux vcrs la terre. Ainsi sc constitucnt, petit a petit, des ćtangs salćs lorsquc ces cordons finissent par rcjoindrc la cótc en ne laissant ćvcntucllcmcnt quc des « graus » comme communica-tion avcc la mer. Puis, ces cordons s’cngraisscnt progrcssivc-ment et, lorsqu’ils commcnccnt a donner prisc au vcnt, ils sc trans-forment, petit a petit, en dunes. La « sansouire », cettc vćgetation des terres salćes, s’y installe, fa-vorisant la sćdimcntation des sa-blcs ćoliens. Et voila commcnt la Camałgue est constituee d’une serie d’ćtangs salćs, dont le ni-vcau'cst souvcnt infćrieur a cclui de la mer, et qui sont sćparćs par des cordons dunaires plus ou moins largcs et hauts.
Produire du sel de mer, me direz-vous, c’ćtait fort bien dans ce pays inonde d’un chaud solcil, genereusement ventile par un vent du Nord, tres sec, dont la reputation fantasque n’est plus k faire : ce fameux mistral qui, avec sa sceur jumelle, la tramon--tane est a la fois apprecić et re-doutć des habitants du cru, comme des navigatcurs.
Aussi y-a-t-il ćgalcmcnt des millćnaircs qu’on a dćcouvert Pinterćt dc cctte region pour la production d’unc substance si im-portante quc les lćgionnaircs ro-mains ćtaient rćtribućs en sel. C’etait leur « salairc », si ce n’est plus le nótre. Les cćsars ju-gcaient quc c’etait la mcillcurc « monnaie d’ćchangc » dont pou-vaicnt disposcr lcurs soldats et ils leur laissaient le soin d’cn tirer le meilleur parti par un commcrce habile.
Les saliniers camarguais ont, bien sur, tres vitc commcncć a commcrccr avec Romę et d’au-tres villes de Mćditerranćc avidcs de sel. Et qui dit commerce dit ćchangc. Mais quc rccevoir en contrepartie du sel ? Bien sur de 1’huile, du froment et d’autres aliments... Et aussi du vin !
* Vice‘president directeur generał de la Compagnie des salins du Midi et des sali nes de I'Est.
(I) La Compagnie des salins du Midi a ete creee en 1854-1856.