56 Jacob Festus Ade Ajayi
nements et particuliers gardent jalousement des elements capitaux de la documentation. Meme dans les pays aux structures administratives les plus ouvertes, les organismes gouvemementaux tiennent des seances privees dont les comptes rendus restent secrets. Les gouvernements echangent une correspon-dance secrete, et des documents essentiels sont classćs sous la rubriąue « Confi-dentiel ». En dćpit de la surabondance du materiel de refćrence, 1’historien a donc en gćnćral 1’impression que ce materiel est incomplet.
Cela n’est pas du simplement au fait que des documents d’importance decisive n’ont pas etć communiąućs, ni meme au fait que de nouveIles sources apparaissent chaque jour, il convient de rappeler aussi que, dans le cadre des activites administratives et de la vie courante, il est de plus en plus rare que nous dćpendions des seuls documents ecrits. La communication revet dćsormais sou-vent une formę non ćcrite — le tćlephone, par exemple, soulćve des problćmes ardus : rćcemment, la question de la proprićtć des textes dactylographies des conversations tćlćphoniques que le Dr Kissinger a eues a l’ćpoque oii il jouait un role dirigeant en matićre de politique intemationale et preferait les rencontres personnelles et le tćlephone aux echanges traditionnels de mćmorandums est devenue une affaire d’interet public. II est intóressant de noter que de trćs nombreux chefs d’Śtat ont recours au tćlephone et aux entretiens confidentiels en cas de crises nationales ou intemationales graves.
Les documents ecrits, meme s’ils n’etaient jamais tenus secrets, ne seraient donc pas des sources suffisantes. Les memoires et les tćmoignages verbaux des observateurs et participants deviennent importants. De meme, le role que jouent les joumaux et les pćriodiques dans la communication de masse et la formation de 1’opinion publique tend a se reduire. II est vrai que le volume des journaux s’est accru, mais le cinćma et plus encore la radio et la tćlćvision les ont supplantćs dans leur role de principaux facteurs de l’evolution de 1’opinion.
Dans le cas particulier des socićtes africaines, ou le taux d’analphabćtisme est encore ćlevć, on ne peut nćgliger 1’importance croissante des sources que constituent pour 1’histoire contemporaine les discours prononcćs lors de reu-nions politiques, les chants et les slogans des partis et les tćmoignages oraux d’observateurs et d’analystes.
C’est cette abondance, cette complexitć et ce caractćre lacunaire de la documentation qui effraient 1’historien. II ne se sent pas maitre des sources existantes ni capable de les selectionner rationnellement. C’est aussi en partie afin de mieux se familiariser avec ce matćriel qu’il souhaite collaborer avec les reprćsentants d’autres disciplines. II a besoin d’une approche interdisciplinaire, k condition que 1’importance qu’il accorde au facteur temps reste prććminente. C’est d’ailleurs en reliant le passe au present, et le prćsent au dćroulement du passe, qu’il trouvera certains ćlements qui 1’aideront k determiner la valeur des sources, et par consćquent i faire une sćlection rationnelle.