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ćpaisse fumee. Qu’est-ce quc rhonime, Sadi, cc monde, łous les globcs, lous les astres ? Qu’est-ce que Fim-mensitć menie devant Dicu ? Que ton Anie s’ćlóve i lui, comme les nuages des vallees montent vcrs le so-leil, et que la nićmoirc dc nos dcrniers neveux puisse sourire encore k ton souvenir. * (Annće litł. 1766, VII, p. 183.)
X
Malgrt ces luttcs continuolles, Frćron continuc de juger ovcc calnw et impertialit* les ceuvres littćraircs de son ennemi. En 1767, Ji propos des Scylhrs, que Vo!tairc voulait faire joucr au moins unc fois, « nr serait-ce quc pour faire crcver Fr<ron », il fait rcmarqaer Vunc des causcs de ]‘inftriorit4 dc Voltairc dans lc gcnrc dramatique, son goftt pour les contraslcs.
Le talent supremę de M. de Voltaire consistc, en gćnćral, comrtic vous le savez depuis longtemps. dans le contraste et dans 1’antithósc. C’est la lc ressort, Famę, la vie de ses plus grands et de ses plus petits ouvrages. On voit qu’il se plait a rapprocher des objets ćloignes les uns des autres, k marier des idćes dispa-rates, a saisir des moeurs differentes on plutót contrai-res, en un mot, k rassembler des couleurs qui tran-ebent fortement.
J’ai dit plus d'une fois ce que je pense de ces oppo-sitions ; l’art s’y fait malhcureusenicnt sentir, et le but de 1’auteur s*y montre trop a dćcouvert. Au reste, quoi-qu’elles ne soient pas de mon gnflt, k Dicu ne plaise que je les condamne ; cllcs demandent certainement beaucoup d*esprit et de sagacite ; elles sont piquantes, pittoresques, agreables ; j’avoucrai mSme que c’est un cadre heureux, surtout dans les mains de M. de Vol-taire pour enchasser d’excellentes Icęons de morale, de philosophie et d'humanitć.
Mais je voudrais que ce poóte, renfermó dans un cercie, ne tournat pas toujours sur le inóme pivot, qu’il n>mploy&t pas sarw cęsse Jes memes moyens, que son gćnie multipliat ses rcssources. Lc grand Cor-neille a fait 33 pifcces de thć&tre et il n’y en a pas deux qui se ressemblent. Les plus bclles choses ennuyent quand elles sont reproduites sous la nieme formę. La varićtć charme le public autant qu’elle atteste la fćcon-ditć d’un ćcrivain.
Pour me bor.ner aux ouvrages dramatiques de M. de Yoltaire. il nous a donnę dans sa Zaire le contraste des Mahomćtans et des Chretiens, dans son Alzire celui des Anićricains et des Espagnols, dans son Orphelin de la Chine celui des Chinois et des Tartarcs; et voici que sa nouvelIe. tragćdie des Scijthcs nous ofTre encorc le tableau contraste des ahciens habitants de la Scythie et de la Perse, c^st-a-dirc, sous le nom des Scythes et des Persa ns, la peinture de nos Europ^ens civilises et des sauvages de l’Amćrique. ou si vous l'aimez mieux, des laboureurs mis en opposition avec des princes et les imuurs des champs avec celles des cours.
Je ne sais si je me trompe, inais il me scmble que, dans unc piece de theatre, il vaudrait micux faire contraster, 4 1’esemple dc nos grnnds maitres, les passions et les caractćres ; il est vrai que cela serait plus dilTicile. (Ann. liłt. 1767, VIII, 145-147.)
Yoltaire aimałt s’cntendre comparer A Racinc. Saint-Lambert prftendit mtme qu*il 1’emportait sur 1'auteur d'Athalie par i’action, la philosophie, le dialngne et Ptnergie. Frłron remet-tałt Itacinc k sa vraie place : la premierę.
1,'action la plus frappantc au theatre et la seule peut-etre qu’on y devrait admettre est celle qui resulte des passions combinćes avec les caractćres ; d’apres ce principe qu’on ne peut eontester. ('.inna. Polyeucte, Andromaque, Rrilannicus, Iphigenie, etc..., sont des ouvrages pnrfaits ; M. de Voltaire dans aueune de ses pićces, n’a point daction comparable &