377
rons pas, mes chers collegues, 1’auto-accroisse-ment du nombre des parlementaires risąue d’etre fort impopulaire. Que de reflexions n’en-tendons-nous pas, les uns et les autres, a ce sujet!
Est-ce a dire qu’il faille de ce fait reculer 1’echeance des elections europeennes ? Je ne le pense pas. Par contrę, je suis persuade que pour eviter que les peuples puissent considerer qu’on les a mis devant le fait accompli en leur impo-sant des elections qui ne correspondaient pas a leurs desirs profonds, il faut au contraire leur permettre de decider eux-memes de 1’opportu-nite d’y recourir, c’est-a-dire les faire juge, en soumettant la convention proposee a un referendum generał.
Alors, mais alors seulement, les peuples, pour reprendre le textc meme du rapport, seront associes a cette entreprise; ils prendront conscience de 1’enjeu et de ses risques ; ils ex-primeront leur volonte. Comme l’indique encore le rapport « il est juste qu’ils le fassent car on ne concevrait pas non plus que des mesures de caractere vital pour eux continuent indefiniment d’etre prises sans leur participation directe. Les hommes du XX' siecle ne sont pas des objets mais des sujets de droit. »
Eh bien, Mesdames, Messieurs, pour que la grandę majorite des electeurs s’interesse direc-tement et participe a un tel scrutin, il faut que la decision de 1’organiser soit finalement prise democratiquement par les peuples eux-memes ; il ne faut pas que l’Europe leur soit imposee, il ne faut meme pas qu’elle soit par eux simple-ment consentie, il faut qu’elle soit par eux de-siree et dćcidee.
Mais, me diront certains d’entre vous, un tel referendum souleve de delicats problemes juri-diques de deux ordres, touchant Particie 138 du traite et certaines difficultes concernant peut-etre les consultations des six pays.
C’est possible, je le reconnais, mais je ne crois pas que ces problemes soient insolubles pour des hommes de bonne volonte.
Qu'indique 1’article 138 si souvent lu et relu ? Je le relirai une fois de plus :
« L’Assemblee elaborera des projets en vue de permettre 1’election au suffrage universel direct selon une procedurę uniforme dans tous les £tats membres. Le Conseil statuant a Tunanimite ar-retera les dispositions dont il recommande 1’adoption par les fitats membres, conformement a leurs regles constitutionnelles respectives ».
— 003 —
«L’Assemblee elaborera des projets en vue de permettre 1’election au suffrage universel ». II ne s’agit dans ma proposition que d’un projet en vue dc « permettre » les elections au suffrage universel. J’oserai meme dire qu’elle renforce cette proposition, singulierement la notion de « feu vert».
Plus loin, le texte precise : « Selon une procedurę uniforme dans tous les fłtats membres ». La procedurę que je propose est uniforme. Je m’arreterai un instant sur ce point.
Pourquoi, nos juristes seraient-ils si pointil-leux a 1’egard de ma proposition puisqu’ils ont deliberement passe outre a cet imperatif de l’ar-ticle 138 dans la convention qui nous est sou-mise ? Quoique puisse dire par une tres sa-vante interprśtation M. le prósident Dehousse, je crois que, malgre tout, on pourrait discuter tres longtemps de la question.
Reste enfin le principal argument qu’on peut m’opposer : le referendum n’est pas prevu dans la constitution de certains pays. Cela est exact. Mais d’abord il faut bien reconnaitre que les constitutions des £tats ont ete conęues et deci-dees pour 1’usage interne, generalement a une epoque ou il n’etait pas question d’etendre des dispositions interieures a un ensemble plus vaste.
Admettons cependant que les gardiens des constitutions dans lesquelles le referendum n’est pas prevu s’opposent a une procedurę qu’ils ju-geraient formellement inconstitutionnelle. Je ne leur demanderai pas de me prouver que si cette procedurę n’est pas prevue, elle est par la meme interdite, car je n’aurai pas Foutrecuidance de me meler de vouloir interpreter les constitutions des pays allies, celle de mon propre pays suffi-sant a soutenir 1’interet que je porte a ces problemes.
Mais, que je sache, les « gallups » n’ont jamais ete prohibes dans aucun de nos pays li-bres. Alors, a defaut de referendum constitution-nel, on pourrait sans doute, dans les pays ou le referendum n’est pas prevu, proceder a une consultation, pour avis, de tous les electeurs. La portee morale serait la meme.
Dans cette perspective, j’ai eu Thonneur, mes chers collegues, de deposer sur le bureau de 1’Assemblee un amendement qui vous sera sou-mis en temps utiles. J’ai la ferme conviction que son adoption aiderait fortement a assurer la grandcur et la solidite de la politique commune europeenne, que nous sommes resolument deci-des a poursuivre.
— 094 —