124 R.A.C.F. 24, 1, 1985.
11 - HISTOIRE DU PAYSAGE. — Decidement, le terme de « paysage », comme celui d’« environnement », est entre dans le vocabulaire des historiens comme des archeologues : je ne peux que m’en rćjouir, pour avoir regrettć qu’il ne le soit pas plus tót, bien que ces notions soient parfois devoyees, ou galvaudees... (cf. premićre chronique, notice n° 6).
J.R. pitte (1983) publie une intćressante et meritoire Histoire du paysage franęais, qui fera Pobjet par ailleurs, dans la prćsente revue, d’un compte rendu plus dćtaille et plus savant de notre collćgue j.m. COUDERC. Je ne veux donc parler ici que du chapitre concernant la periode gallo-romaine (t. I : 77-89), qui seul touche de pres notre propos ; 13 pages sur un total de 435 : on conviendra que nous ne sommes pas trop gatćs. A la dćcharge de Pauteur, on sait en effet Pindigence de la documentation en la matiere, et les difficultćs qu’il y a k y acceder. Voies, centuriations, villae, sont les trois themes qui scandent ce survol, auquel s’ajoute un court developpement sur Pinevitable viti-culture. Je ne nierai pas 1’importance du rćseau routier dans Peconomie de la Gaule, et notamment rurale, mais on sait le role souvent aussi eminent qu’ont pu jouer les cours d’eau et les rivićres dans le transport des produits agricoles comme de ceux manufacturćs: on souhaiterait au moins une mention, car — que diable — Phydrographie fait aussi partie du paysage.
Ouant au parcellaire, malgrć une reserve limir>aire prudente en introduction, qui se rćfere aux critiques de cal-lot, tout est ramene a la centuriation. Je ne reviendrai pas sur les critiques que j’ai ćlevćes a ce sujet dans Cadas-tres et espace rural (CLavel-LEVeque 1983:159-183), mais convenons qu’il est pour le moins prćmature de limiter la vision du parcellaire gallo-romain a ce type particulier, orthonorme. Et rexemple de la centuriation du terroir de Bourges (Fig. 5 : 83), qui nous touche de pres, me semble particulićrement mai venu. Le probleme essentiel peut-etre a ce sujet est que l’on ne sait le rapport qu’il peut y avoir entre la division rćgulićre, fiscale, du territoire en centurie, et la partition rćelle des parcelles cultivees, qui seules doivent $’etre suffisamment incrustćes pour s’etre fossilisćes, commc Ic reconnait d’ailleurs implicitement Pauteur (p. 82) (cf. a ce sujet les justes remarques de LEVEAU 1983 : 922, etc.).
Au sujet de la villa (p. 83 sq.), 1’auteur reconnait justement la coexistence avec d’autres formes d’habitat indi-gene ; mais ii n’est plus de misę de parler de « fonds de cabanes » a propos des ... mardelles de Lorraine ! (cf. par ex. a ce sujet : CHAPELOTet fossier 1980:116sq ), ou de citer la sempiternelle villa de Mayen comme exemple de conti-nuitć : il est clair que Pauteur, qui a voulu etre chronologiquement exhaustif, est plus a Paise dans les periodes plus recentes ; 1’essentiel du propos est donc fonde ici sur la documentation exceptionnelle, mais trop sollicitee aujourd’hui, de r. agache. J.R pitte suit x. de plannol (1978:239-240) pour conclure a I’existence autour de la villa d’un paysage en « open-field-mosaique » (p. 87) : les arguments sont a mon avis a Pheure actuelle, dans le Nord de la Gaule, tres largement insuffisants pour trancher en la matiere.
On aurait surtout aimć voir brosser un tableau un peu plus large du paysage, meme si lacunaire en Petat de la documentation : on s’ćtonne notamment de ne rien voir sur le probleme du boisement (cf. premierę chronique, notice n° 7), et par exemple sur les cultures qui, elles aussi, autant que la vigne, marquent le paysage, telles les cerćales, dont des especes nouvelles se repandent on le sait aussi a Pćpoque gallo-romaine.
Le paysage rural franęais a Pepoque gallo-romaine est quand meme mieux servi dans Pouvrage que publient les Editions Sociales : Comprendre les Campagnes franęaises » (CLavel-LEVEOUE. lemarchandci lorcin 1983), ou cette periode est traitee en 40 pages sur un total de 311. Mais nous reviendrons sur cet ouvrage qui a notamment le mćrite de prćsenter une synthese rćcente sur notre propos.
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12 - PROSPECTION AU SOL. — La mćthode du field-walking, qui a depuis longtemps droit de cite chez nos voisins britanniques, apres avoir ete en France longtemps mćprisće des « professionnels », fait depuis quelque temps 1’objet d’applications de plus en plus repetees, et fecondes (cf. a ce sujet notre premiere chronique, notice n° 5). Des expćriences ont ćtć menćes en Beauce (notamment Lion-en-Beauce : ferdiere et fourteau 1979), en Sologne, en Berry (Autoroute A.71), dans la region d’Aulnat, dans celles de Toulon et d’Autun, en Bretagne, en Champagne,... (sur plusieurs de ces experiences, voir : Prospection... 1982), beaucoup d’entre elles il est vrai par des archćologues anglo-saxons (G. astill. f. Cameron, k. crumley, w. davies, n. mills...). On se rćjouira de 1’effet d’entrainement de ces expćriences, qu’il s’agisse de prospections intensives ou extensives (a condition d’en dćcrire minutieusement la mćthode), exhaustives ou par ćchantillon, « de sauvetage » ou « de recherche pure » : les appli-cations se multiplient maintenant sur le territoire, et, venant en complement des riches donnees de la prospection aćrienne, devraient dans les annćes k venir faire assez radicalement evoluer notre vision du paysage rural.
Ainsi notre rćgion est-elle concernće par plusieurs de ces travaux : en Touraine, plusieurs chercheurs se sont groupes autour d’un theme sur le « Peuplement de la Touraine » au sein duquel mm. franconi ct bernard d’un cóte, m. j.p. lecompte de 1’autre, assurent par exemple des prospections systćmatiques respectivement sur les ter-roirs de Ballan-Mire et Saint-Nicolas-de-Bourgueil (Indre-et-Loire). Ainsi a etć realisee sur deux ans, grace a 1’aide du C.N.R.S., une operation experimentale autour de Levroux (Indre) (par n. mills. s. sutherland et s. pie-CHaud , cf. mills 1984) ; cette derniere est notamment instructive en ceci qu’elle a porte sur une zonę a cheval sur deux regions naturelles, le Boischaut Nord (bocage et bois) et la Champagne Berrichonne (openfield), ou deux types d’echantillonnage (1/4 de la surface concernće, par carres de 500 x 500 m) diffćrents ont ćtć adoptes (« damier » en Boischaut, tirage au sort en Champagne). Ici comme ailleurs, les sites gallo-romains sont les plus nombreux, mais 1’occupation prćhistorique et protohistorique est importante. Les rćsultats pourront etre utilement comparćs a ceux obtenus lors de la prospection systematique sur le tracć de PAutoroute A.71 au sud de Bourges (Champagne et Boischaut sud).