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Ce n’ćtait encore \k qu'une escarmouche ; mais Jes personnes qui ćtaiónt au courant de 1’agitation popu-laire, n’ćtaient pas sans ćprouver des craintes sćricuses pour les fćtes de juillet ; et, dans 1’intćrćt de la Dćvo* tion co ni me dans celui de 1’ordre public, elles se prćoc-cup&rent de prćvenir tout ćclat.
M. Martin (d’Auray), qui ćlait en excellents termes avec les deux partis, entreprit de les amener k s'en-tendre, et il invita le supćrieur et le recteur k diner chez lui, avec un ami commun, dans sa maison de Kerzo.
La discussion fut vive. Apr£s que chacun eut fait valoir ses raisons, le recteur, sentant le terrain lui manquer, sembla entrer dans la voie des accommode-ments. — « Je veux bien faire des concessions, dćclara-t-il, mais ce sera A titre de rćeiprocitć : je vous laisserai une partie des processions, vous me laisserez les autres.; et celles que vous prćsiderąz ne devront jamais sorlir de votre terrain, c’est-ó-dire dc la cour de 1’ćglise. De
plus, vos cnterrements se feront tous k Pluneret.....
Voil&, dit-il en terminant, ce que je veux bien vous accorder, k la condition que la municipalitć approuve 1’arrangement. » — « Et moi, rćpliqua le P. Cućnet, je suis pr6t k vous accorder tout ce quc l'ćv6que voudra. » On se quitta sur ces paroles amicales. En rćalitć le recteur n avait pas fait de concession, le supćrieur non plus. Cependant on marchait yers la solution, et 1’issue ne pouvait ćtre douteuse.
La municipalitć, derriire laquelle se retranchait le recteur, n'avait rien k voir dans ce litige d'ordre pure-ment canonique. Quant k l’ćvdque, dont ressortissait uniquement le debat, il avait depuis longlemps fait connaltre sa pensće, et il n'avait qu’& rćpćter ce qu’il avait d<5ja dit.
II fit rćpondre au supćrieur : « Puisque le recteur et ses paroissiens sont obstinós k ce point, je vous prie de ne plus vous occuper de la question ; j en fais mon affaire personnelle. Les droits du recteur seront ce
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que j’ał dit, ni plus ni moins. C'est 1& mon dernier mot (I). »
II etait temps qu’une parole dautoritć se fit en-tendre.
Une chose qui fait płaisir au milieu de ces tristes debuts, c’cst qu'il n’y avoit pas d’animositć per-sonnelle entre les antagonistes : les deux amis d'au-trefois ńe se boudaient pas. Depuis l'entrevue de Kerzo ils continuaient de se voir; et ce fut dans l’une de leurs rencontres que le P. Cuenet eut 1'occasion de communiquer au recteur rultimatum venu de Vannes.
Devant cette dćclaration si nette, qui ne laissait place ft aucun dchappatoire, il ne restait au recteur qu'k cher-cher le moyen de sortir de 1’impasse ofi ij s’ćtaitimpru-demment fourvoyć.
Le P. Cućnet lui vint en aide: « Cro3rez-moi, lui dit-il, allez h Vannes, voyez l’ćvćque; et que ce soit une afTaire finie. »
Le recteur, mieux avisć cette fois qu’au moment de sa nomination, suivit de point en point le conseil qui lui venat{ de Sainte-Anne, et il fit sa soumission telle qu'on la lui demandait (2).
Au point de vue du droit, le litige ćtait terminć: le
(1) Le P. Cućnet źcrit dans ses Mómoircs quc l'Avćquc apprc-nant lattitude du recteur A l’entrevue de Kerio, ne put contenir son indignation, et qu’il parła mćme de ic deplacer.
11 ne serait pas ćtonnant que les intcrminablcs tergiversations du recteur eussent blessA au vif un homrae ćnergiquc et fermę commc 1'Alail M<' de Bruc. — Voici un fait entre autresqui carac-tćrise bien sa mentalitć: au prćfet qui lui demandait de deplacer un recteur, sous pretexte qu’il ne s'entcndait pas avec le maire, il rćpliqua : < Non ! vous pouvez tout aussi bien changer votre mnire. Pour faire un maire, il vous suffit d'un trait de plume; et pour faire un recteur, il me faut A moi de longues nnnćes. »
(2) II est A croire qu’il n’alla pas, cette fois, prendre conseil da, M. Le Gal. Du reste celui-ci lui aurait dit, dans une entrevue prć-cćdente, si l’on s'en rapporte au rćcit du P. Cućnct; « Vous ites engagć dans une inauvaise voie; tAchez d’en sortir le mieux pos-sible. p