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n'est qu'un remede contrę le spleen europeen connu depuis des siecles, mais exprimć particulterement par les Romantiques; selon une telle ap-proche, 1'acception de 1'Orient acquiert une dimension therapeutique.
Cette «faible et froide spiritualitć» de 1'Occident dont parlait Heine446 devra inevitablement pousser 1'Europeen vers une terre qui est dans 1’ima-ginaire religieux de 1'Europćen synonyme meme du sacre : 1'Orient. Si Ton admet apres Małek Chebel que 1'imaginaire est un reel qui produit du sens, ou bien l'imaginaire est un reel transforme en representation, il faudra avouer que 1'imaginaire religieux musulman, abondant en symboles multi-ples, apparait comme celui qui pourrait fasciner Thomme Occidental, bien que, ce que Chebel met en relief, on soit musulman d'abord et avant tout dans son coeur et non pas au seul regard du rituel. La terre orientale, au sens tres large de ce mot, attire 1'Occidental par sa difTerence extreme dont l'une des plus frappantes est l'«Homo islamicus»
L'Arabe est immerge dans une quaternite d'elćments : eau - terre - feu et air, reagit a des dualites fondamentales : espace - temps, interieur - exterieur, permis - interdit, rituel - modemite, feminite - mascuiinite, et reconduit 1'acceptation des Ordres tels qu'ils etaient chez ses ancetres : religieux, poli-tique, social et familial [...]. Son credo est celui de 1'lslam orthodoxe : “chahade”, priere, jeune, aumóne et pelerinage. Ses convictions sont cel les que les theologiens ont faęonnees pour lui, mais dans tous les cas, le rapport de l'Arabe au sacre est Capital. [...] L'Arabe d'aujourd'hui ne se conęoit plus que comme la continuite des Arabes du passe.447
Rappelons de nouveau Said qui decrivant 1'histoire de 1'Orient cree par l'Occident, met 1'accent sur l'ambivalence des evaluations de 1'Orient qui
altemait [...] dans la geographie de 1'esprit entre un Ancien Monde auquel on retournait, comme dans 1'Eden ou le Paradis, pour y installer une nouvelle version de 1'ancienne, et un endroit totalement nouveau auquel on parvenait, comme Colomb etait arrive en Amerique, pour y installer un Nouveau Monde (bien que, ó ironie, Colomb lui meme ait cru decouvrir une nouvelle portion de I'Ancien Monde). II est certain qu'aucun de ces Orients n'etait purement l'un ou 1'autre : c'est 1'oscillation entre eux, leur pouvoir de sug-gestion, leur capacite a amuser et a embrouiller 1'esprit qui nous intćressent. [...] L'idee de 1'Orient dans son ensemble oscille donc, dans 1'esprit de l'Occident, entre le mepris pour ce qui est familier et les frissons de delice -ou de peur - pour la nouyeaute.448
446 Ibid.
447 M. Chebel, L'imaginaire arabo-musulman, op. cit., pp. 371-372.
448 E.W. SaTd, L'Orienlalisme, op. cit., pp. 74-75.