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par les habitants sensibles des grandes villes assoiffćs de couleurs d'azur et d'aventures illicites. Le sterćotype de la promesse du bonheur oriental lie au soleil, & la ćhaleur, au relachement des moeurs, fonctionne deja a merveille dans 1'imaginaire collectif des Franęais au moins depuis le XVIIIe sićcle, c'est-&-dire depuis la difTusion de la traduction des contes des Mille et une nuits. Aucun des auteurs celebres de l'epoque ne part en Orient tabula rasa. Ces esprits emplis de fantasmes et stereotypes orientaux partent la ou toutes ces idees reęues seront soumises a «une verification». Nous parlons ici de 1'Orient compris de maniere simpliste, reductrice meme, fonctionnant au XIXe siecle ou l'on considerait comme orientaux non seulement les pays asiatiques, donc l'Extreme ou le Proche Orient, mais aussi l'Afrique du Nord, 1'Espagne meme. Precisons encore que le mot «Maghreb» vient du mot arabe «Maghrib» qui signifie «Oc-cident, c'est-&-dire la ou le soleil se couche», evidemment par rapport aux pays du Proche-Orient et surtout a La Mecque. Le rappel de 1'etymologie de ce vocable et la banalisation occidentale de son sens comme equivalent de l'Orient, trahit 1'europeanocentrisme du discours portant sur 1'Orient.
Cette «verification» s'accomplira de faęon plus ou moins brutale; par-fois elle aboutira a abattre des stćreotypes positifs ou negatifs. Le plus sou-vent cependant il ne s'agira pas de changer quoi que ce soit de 1'imaginaire oriental; ce qui comptera ce sera surtout 1'acte de «toucher» ce qui fonction-nait jusqu'a ce moment-la comme legende, conte, dćsir, fantasme, tableau.
Loti, ćcrivain exotique type, se cherchera toujours lui-meme dans une legion de voyages, pays, coutumes. Loti est un auteur exceptionnel par ses multiples pćriples et les’ temoignages de ses rencontres avec differents pays, mais il nous interesse encore par les multiples critiques acerbes que lui adresserent des auteurs qui s'occupaient de la problematique exotique a la fm du XIXe et au dćbut du XXe siecle et qui ne lui epargnerent pas des remarques grinęantes s'il s'agit de 1'approche «touristique» de ses tex-tes, leur superficialitć.
A 1'opposć, on placera Victor Segalen (1878-1919), auteur de «la theorie du divers», infatigable dans sa quete de la difference. C'est lui qui «a opere un vćritable detoumement du sens du mot “exotisme”, s'il s'est servi du meme mot, c'est pour decrire une tout autre problematique.»17 Dans le debut de son Essai sur l'exotisme (une partie de 1'ensemble posthume), Segalen introduit la nouvelle notion d'exotisme :
17 G. Manceron, «Segalen et l'exotisme» in Essai sur l'exotisme, une esthćtique du divers et Textes sur Cauguin et l'Oceanie par V. Segalen, Fata Morgana, 1986, p. 10.