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les anciens confins orientaux de la Pologne, ou les conflits et surtout l'ac-ception de 1'Autre ne sont pas trop eloignes des problćmes que nous avons deja etudies et se rapportant aux colonies franęaises en Afriąue du Nord.
Daniel Beauvois a examine 22 textes de memoires ćcrits en polonais au XXC siecle par des personnes originaires des anciens confins orientaux de la Pologne.485 Ces textes, ayant differentes lignes de force, montrent selon 1'auteur de 1'article 1'impermeabilite des trois communautes: celle de proprietaires terriens d'habitude polonais, celle de Juifs et la troisieme de paysans, le plus souvent bielorusses ou ukrainiens; il serait vain d'y cher-cher une osmose culturelle qui, par contrę, etait facile a saisir entre les elites possedantes russes et polonaises. Si les Juifs sont prćsentes comme une menace,
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ces Autres dont il nous reste a parler sont les dix millions d'autoęhtones de ces regions, les populations lituanienne, bielorussienne et ukrainienne. [...] Les memorialistes, comme leurs parents et ancetres, nient a tel point leur identite qu'ils ne les appellent presque jamais par leur nom. Ces gens de langue et religion differentes n'ont pas de patrie propre, ils ne sont que des “paysans”. [...] M. Wańkowicz pretend que la religion orthodoxe des Bielorusses de son domaine etait ressentie par eux comme inferieure au catho-licisme des seigneurs.
La religion orthodoxe confessee par les paysans non-polonais recon-nue comme inferieure, ou du moins ressentie comme telle par eux, par rapport a la religion catholique pourrait etre comparee au statut defavo-rable de l'Islam dans les pays du Maghreb; cette analogie nous semble d'autant plus pertinente que le catholicisme est la religion des maitres, tandis que l'Islam ou la religion orthodoxe est la foi des «barbares»; dans les deux cas la ligne de partage traverse les pratiques religieuses. D'autre part on refuse le statut de la personne aux paysans des confins, d'ailleurs ils sont peu presents dans les memoires. Beauvois parle d'un profond me-pris pour les peuples autochtones, a part quelques exceptions, comme celle de Janina Żółtowska qui croyait aux effets de la mission civilisatrice et
revait d’etablir une coexistence entre la sphere superieure des Polonais et le peuple ruthene, dans une symbiose harmonieuse ou les Polonais seraient les tuteurs et le conduiraient a un niveau culturel et morał plus eleve [...].
4,5 Voir D. Beauvois, «Eux et les autres: les memorialistes polonais des confins de l'Est au XX* sićcle», in Pologne singuliere et plurielle, Actes du colloque, Presses Universitaires de Lille, 1994.
484 Ibid., p. 137.
487 Ibid., p. 142.