L/ABIME INFRANCHISSABLE.
La Contre-Reforme, eclose du vivant de Grotius, ne s’est pas restreinte a une simple argumentation theoriąue contrę les theses protestantes. Elle possedait en elle-meme des valeurs dynamiąues et positives, qui lui firent tenter, sous la conduite des disciples de Saint-Ignace, de restaurer la vie chretienne, de reconąuerir la vie entiere pour la tremper dans le fleuve des graces coulant eternellement de FEucharistie, centre du culte catholiąue. Par sa lutte contrę la mefiance de Hiomme, par la destruction du purita-nisme, un des piliers les plus puissants sur leąuel sappuyait Fedifice protestant, celui-ci serait bien condamne a s’ecrouler.
En Hollande le poete Yondel fut le porte-parole le plus autorise des
laisse envisager des possibilites qui dans la realite des donnees de la Revelation sont exclues. La enfin ou Grotius avance que le but de la satisfaction est de garder 1’homme de peches futurs, il ne dit rien qui soit absolument contraire a la doctrine catholique. 11 se rapproche meme plus de celle-ci, qui confesse la possibilite pour Hiomme de prendre part a la vie divine, que de la conception protestante, qui ne voit en Hiomme que le „peccator”. Au moment ou Grotius composa l’ouvrage contrę Socin, il etait au debut de sa carriere theologique, et il avait encore une grandę distance a parcourir. On ne saurait s’attendre a Ty voir exposer deja toute la tradi-tion de fEglise. C’est deja beaucoup s’il n'avance rien qui y soit contraire. M. Haentjens semble avoir neglige de prendre en consideration cette circonstance impor-tante. L'auteur remontrant commet a coup sur une erreur chronologique, quand il termine ses considerations sur les conceptions de Grotius de la Communion, par des citations prises dans un ouvrage qui a ete rattrape par des livres posterieurs (.An se?nper communicanda per symbola). Dans son dernier ecrit celui-ci a professe expressement sa croyance en la presence reelle du Christ sous les deux especes, en s’appuyant sur de nombreuses citations des Peres et du Concile de Trente. II y considere encore la Cene comme un veritable sacrifice, et admet ainsi tout ce qu’il y a dessentiel. Neanmoins M. Haentjens croit qu’il s’ćloignait distinctement de la doctrine catholique, mais que „pour eviter toutes les querelles sur la theorie de la transsubstantiation qu’il n'acceptait pas, et sur d’autres theories de la Cene, il ecrivit qu'il fallait se contenter simplement des paroles de TEcriture et des Peres, et
professer la presence reelle du Christ dans la Cene".
Au fond il n'y a pas la de probleme, et la difficulte que Tauteur protestant croit
discerner, provient dc sa fausse conception de ce qu’est un dogme catholique. C’est
au fond une normę negative pour aider les fideles a rester dans les bornes de rorthodoxie. Quelqu’un pourrait rejeter le terme de transsubstantiation et chercher une autre explication du mystere, pourvu qu’il en retienne Tessentiel. „Si TEglise a aime reprendre ce mot de transsubstantiation, ce n'est que parce qu'il lui semblait a la fois plus ferme et plus depouille qu'aucun autre. Mais elle n’entendit jamais assumer une theologie, encore moins une metaphysique, si fondee qu’elle puisse par ailleurs paraitre a beaucoup. Elle ne demande au langage utilise que d'etre, en depit de son imperfection radicale, un moyen convenable pour expliquer au peuple chretien les affirmations de la foi. Mais ce qui entraine notre adhesion, ce n’est rien dautre
que la Parole de Dieu : „Le Pain que je donnerai, c est ma chair......" (Jn., 6, 31)
„Ceci est mon corps...... ceci est mon sang” (Mc., 14, 22, 24) „Faites ceci en memoire
de moi" (Lc., 22, 19) „Celui qui mange et boit sans avoir egard au corps (du Seig-neur) mange et boit sa propre condamnation" (I Cor., 11, 29).” Voila ce qu'on peut lirę dans Refiexions d'uti Catholiąue, ecrites recemment par A. J. Maydieu O.P. (dans Positions Protestantes, p. 164-165). En faut-il davanlage pour justifier le point dc vue de Grotius?
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