voir. Le terme « neutralite suisse », chaque fois que je le prononęais, provoquait chez Muzzli une douleur visible a 1’oeil nu. II se cassait comme s’il venait de recevoir une balie en plein ventre et son visage prenait une teinte ecarlate. D’une voix saccadee il m*expliquait que la « neutralite » ne correspondait pas, en profondeur, a ce qu’il appelait 1’ « ame suisse ». Des politiciens, des notables et des industriels avaient pese de tout leur poids pour entrainer la Suisse dans la voie de la « neutralite », mais de la a penser qu’ « ils » traduisaient les aspirations du pays... Non, « ils » l’avaient — selon Muzzli — detourne de sa veritable vocation, qui etait d’assumer et d’expier toutes les souffrances et les injustices du monde. La Suisse k laquelle revait Muzzli, et dont on aurait bientót la « revelation », prenait dans son esprit Taspect d*une jeune filie pure et radieuse partant a l*aventure. Elle etait sans cesse exposee aux outrages de toutes sortes, on maculait sa robę blanche, mais au milieu des injures et des flaques de boue, elle s’avanęait, toujours souriante et misericordieuse tt peut-etre eprouvait-elle une certaine volupte a suivre son chemin de croix. Cette vision doloriste de la Suisse m’inquietait un peu, mais Michel, quand il ne parlait pas de son pays, etait le plus doux des hommes. Un blond assez grand, avec des pommettes, des yeux d’un bleu transparent, une ebauche de moustache, l’air
plutót russe que suisse.
II me presenta a Badrawi, un garęon de notre
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