»tout ce qui est necessaire selon Dieu est impossible selon le monde et inversement, tout ce qui est possible suivant le monde n’existe plus pour le regard de Dieu«.24
Le monde est rien et tout en meme temps: »Le Dieu de la tragedie est un Dieu toujours prescnt et toujours absent. Or, sa presence deva-lorise sans doute le monde et lui enl£ve toute realite, mais son absence non moins radicale et non moins permanente fait au contraire du monde la seule realite en face de laquelle se trouve Thomme et a la-quelle il peut et doit opposer son exigence de realisation des valeurs substantielles et absolues.«25 La tragedie ne connait qu’une formę de pensee et d’attitude valables: le oui et non, c’est-a-dire le paradoxe: vivre - dans le monde - mais sans y prendre part. II serait aussi peu coherent de refuser le monde que de Taccepter dans son ambiguite et son absurdite: »C’est la l’extreme rigueur et l’extreme coherence de la conscience tragique telle qu’elle s’exprime dans Phedre de Racine, dans les ecrits philosophiques de Pascal, de Kant, et dans le texte deja cite de Lukacs, attitude paradoxale et sans doute difficile a de-crire et a rendre comprehensible, mais qui, seule, semble-t-il, nous permettra la comprehension des ecrits que nous nous proposons d’etu-dier.«2C
A partir de la se developpent deux attitudes face au monde:
- le refus unilateral du monde et 1’appel a Dieu.
- le refus ultramondain du monde et le pari sur l’existence de Dieu. C’est cette difference qui separe Junie de Phedre, Barcos ou la Mere Angelique de Pascal. Le heros tragique vit sous le regard permanent du Dieu spectateur et pour lui »le monde seul est reel«. La presence divine 1’empeche de refuser le monde et Tabsence divine Tempeche de 1’accepter entierement. L’homme tragique vit pour la realisation de valeurs rigoureusement irrealisables. II reunit en lui l’Ange et la Bete, la grandeur et la misere, Timperatif categorique et le mai radical. Dans le clair et 1’ambigii, la proximite du Dieu absent, la seule formę d’expression que connait Thomme tragique est le monologue, le dia-logue solitaire selon une expression de Lukacs. Goldmann remarque que: »Les Pensees sont un exemple supreme de ces »dialogues solitai-res« avec le Dieu cache des jansenistes et de la tragedie, dialogues ou tout compte, ou chaque mot pese autant que les autres, ou Texegete ne saurait rien laisser de cóte sous pretexte d’exageration ou d’outran-ce de langage, dialogues ou tout est essentiel, parce que Thomme parle au seul etre qui pourrait Tentendre mais dont il ne saura jamais s’il Tentend reellement.«27
Conscient de la vanite du monde, de Tabime infranchissable qui le separe de lui, Thomme, sait qu’il ne pourra atteindre la valeur exclu-sive de Dieu par ses propres forces. Le message que Tamę croit en-tendre en permanence est cette voix du Dieu cache, invisible, qui lui
24 Ibidem p. 59.
25 Ibidem p. 60.
20 Ibidem p. 62.
27 Ibidem p. 77.
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