496 SCIENCE CRIMINELLE ET DROIT PfiNAL COMPARfi
les delits, ont toujours ete presentees comme des infractions materielles. La conscience infractionnelle n’est exigee que depuis 1987 ; encore ne s’etend-elle pas a tous les delits douaniers (responsabilite liee a certaines activites professionnelles, a la detention de marchandises de fraude)34. On sait en outre que la contravention de droit commun constitue le terrain d’election des infractions dites materielles, de la faute « contraventionnelle » : il suflit que 1’acte materiel ait ete etabli pour que Ie delinquant soit punissable, independamment de toute recherche par le ministere public d’une faute intentionnelle ou non intentionnelle a la charge de ce delinquant. On verrait mai des lors, que Tambition du legislateur, qui a ete de modifier le droit douanier a 1’image du droit penal generał, aboutisse a le rendre plus indul-gent que celui-ci. Puisque la bonne foi ne joue aucun role en droit commun, a fortiori ne peut-elle concemer les contraventions douanieres35.
Une telle analyse entrainerait la conviction si ces contraventions consti-tuaient une categorie determinee des contraventions de droit commun. En realite, la notion de contravention douaniere visee par les articles 410 et sui-vants du codę des douanes ne correspond pas aux principes generaux du droit commun resultant des dispositions du codę penal.
Contrairement au droit penal qui distingue les delits et les contraventions selon la rigueur de la peine (duree de remprisonnement ou montant de Tamende) qui peut etre infligee a leur auteur36, le droit douanier retient la naturę de la peine encourue : sous la reserve des contraventions de cin-quieme classe qui sont reprimees d’un emprisonnement de dix jours a un mois, sont qualifiees de delits les infractions punies de peines d’emprisonnement, et de contraventions celles qui n’encourent que des peines d’amendes. En outre, il prend en consideration la naturę, prohibee ou non, des marchandises litigieuses. La meme faute peut ainsi constituer un delit lorsqu’elle porte sur des marchandises prohibees ou fortement taxees, et une contravention au cas inverse. Comment concevoir que le juge puisse pour le meme acte relaxer le prevenu lorsque la contrebande ou Tabsence de declaration a conceme une marchandise prohibee, alors qu’il n’en aura pas la possibilite dans 1’autre cas37.
La repression des contraventions douanieres n’a egalement que peu de rapport avec celle des contraventions de droit commun qui ne peut exceder deux mois d’emprisonnement et 6 000 F d’amende. Par le biais d’une amende pouvant etre comprise entre une et deux fois le montant des droits et taxes eludes (art. 411 c. douanes), et surtout d’une confiscation reelle ou fic-tive des marchandises litigieuses (art. 412 c. douanes), on aboutit en effet a des sanctions draconiennes, alors surtout que le delai de prescription est de trois ans.
Autant de raisons pour estimer que les juges ont desormais la faculte de relaxer les contrevenants pour defaut d’intention, y compris pour les contra-ventions. La Cour de cassation a tres recemment confirme cette opinion38.
34. Cf. In/ra II.
35. En cc sens, cf. rapport a TAssemblćc nationalc dc M. R.-A. Vivien, Doc. Ass. nar. 182 : « mais bicn cntendu, comme par lc passe, les contraventions continueront a sc caractćriscr par Pabsence d*ćlemcnt intentionnel ».
36. Stcfani, Lcvasseur et Bouloc, op. cit. n° 90.
37. Berr et Tremeau, op. cit. n° 615 et s.
38. Crim. 13 nov. 1989, pourvoi n° 87.82.593, inedit.
Rev. science crim. (3), juill -sept. 1990