Louise Labé "Sonnet XVIII"
Baise m'encor, rebaise-moi et baise:
Donne m'en un de tes plus savoureux,
Donne m'en un de tes plus amoureux :
Je t'en rendrai quatre plus chauds que braise.
Las, te plains-tu? ça que ce mal j'apaise,
En t'en donnant dix autres doucereux.
Ainsi męlant nos baisers tant heureux
Jouissons-nous l'un de l'autre ŕ notre aise.
Lors double vie ŕ chacun en suivra.
Chacun en soi et son ami vivra.
Permets m'Amour penser quelque folie:
Toujours suis mal, vivant discrčtement,
Et ne me puis donner contentement,
Si hors de moi ne fais quelque saillie.
Louise Labé, née en 1525 à Lyon, était une poétesse française de la Renaissance. Elle était la femme de Perrin, riche marchand de cordages, qui possédait plusieurs maisons à Lyon. Labé, grâce à ce mariage surnommée aussi “la belle cordière”, était très bien éduquée: elle avait une bibliothèque composée des meilleurs ouvrages grecs, latins, italiens, espagnols et français, elle parlait plusieurs langues et elle était douée pour la musique. Elle pratiquait l'arme et l'équitation. Louise Labé est morte le 25 avril 1566 à Parcieux-en-Dombes.
Louise Labé appartennait au groupe poétique nommé „école lyonnaise“ avec Maurice Scève et Pernette du Guillet mais on peut être sûr qu'elle travaillait aussi avec d'autres poètes comme Olivier de Magny et Jacques Peletier du Mans. Quant à ses oeuvres principales, Labé a ecrit vingt-quatre sonnets, trois elégies et les “Débats de folie et d'amour”. Le "Sonnet XVIII" vient des „Oeuvres“ de 1555.
Les oeuvres de Louise Labé expriment la passion amoureuse du point de vue féminin - et c'était une révolution pour l'époque. Labé était sûrement une innovatrice en ce qui concerne l'image de la femme dans son époque. Au XVIe siècle la femme n'était que l'objet du désir masculin. Elle était aimée et adorée par l'homme, elle était très faible et passive. Louise Labé bouscule les idées du XVIe siècle. Pour elle, la femme c'est une personne active, amante. C'est elle qui aime et pas seulement est aimée par l'homme. La femme presentée par Labé est une femme sensible, pleine de tristesse mais c'est aussi une femme qui est maîtresse de sa vie. Elle peut décider d'elle-même. Elle doit avoir la męme éducation comme l'homme.
Le poème de Louise Labé c'est un sonnet et sa forme est typique pour ce genre. Le sonnet se constitue de quatorze vers en quatre strophe: deux quatrains et deux tercets. Le sonnet est ecrit en décasyllabes. Les rimes dans ce sonnet ce sont des rimes en forme: abba-abba-ccd-eed alors prémièrement les rimes sont embrasés et puis plates. Les rimes a et d ce sont des rimes féminines et les rimes b, c et e ce sont des rimes masculines. Les rimes c et e sont aussi des rimes riches.
Le "Sonnet XVIII" peut ętre consideré comme une apostrophe au bien-aimé de la poètesse. Dans la première strophe, elle s'adresse à cette personne "Baise-moi!", "Donne-moi ton baiser". La poètesse se lasse aller ŕ ses passions, elle utilise les épithčtes comme "savoreux", "amoreux", "plus chauds". Elle attire l'attention du lecteur ŕ l'aspect physique de l'amour, au plaisir que l'amour peut la donner. Elle continue cette tendance dans la deuxičme strophe. Lŕ, elle s'exprime en utilisant les adjectifs comme "doucereux" ou "heureux".
Le deux strophes suivantes montrent l'autre côté de l'amour, c'est-ŕ-dire l'aspect psychique. Louise Labé présente l'amour comme le sentiment qui donne le calme, le bonheur et la force. C'est une source qui unie deux personnes et leurs âmes et qui permet d'avaler les obstacles si les deux amants sont ensemble.
Le "Sonnet XVIII" est plein d'émotions. Dans la premičre strophe l'atmosphčre semble ętre insouciante, la počtesse exprime son bonheur, sa joie, son désir. Cela change dans la deuxième strophe avec les mots "Las, te plains-tu?" et puis quand l'auteur veut tranquiliser son bien-aimé. Les vers "Lors double vie ŕ chacun en suivra/Chacun en soi et son ami vivra" peuvent signifient la fin, la séparation des amants: peut-ętre ŕ cause des certaines obstacles ils ne peuvent plus ętre ensemble. Le počme montre deux oppositions: le bonheur et douleur de l'amour qui sont inséparables.
Dans la premičre partie du sonnet oů Louise Labé présente l'aspect physique de l'amour, elle se prévaut du motif du baiser. Ele utilise les mots "baiser" et "baise" plusieurs fois, elle les définit par différents adjectifs pour souligner son valeur et importance. Le baiser est un symbole de la tendresse, de la sensibilité et de la proximité des amants. Le verbe "baiser" peut aussi avoir le sens de "faire l'amour" dans la langue du XVIe sičcle. Dans "Oeuvres de Louise Labé Lionnaize" Breghot du Lut commente de maničre bien légčre le počme de Louise Labé: "Il faut espérer que les érudits nous apprendront quels baisers préférait Louise Labé. Il y a je ne sais quelles religions attachées ŕ certaines parties du corps: le revers de la main, par exemple se présente au baiser; mais si nous appliquons le baiser aux yeux, nous semblons pénétrer jusqu'ŕ l'âme et la toucher."
Puis, Labé introduit dans son počme le motif du nombre quatorze. Elle dit: " Je t'en rendrai quatre plus chauds que braise.(…)/ En t'en donnant dix autres doucereux." Quatre plus dix fait quatorze baisers et c'est exactement le nombre de vers d'un sonnet. Louise Labé équilibre alors l'amour et l'art. D'aprčs la počtesse, aimer et écrire sont équivalents. Comme disait Apollon dans le "Débat de Folie et d'Amour": "le plus grand plaisir qui soit aprčs amour, c'est d'en parler". Alors quand l'amour disparait, la seule chose qui reste c'est l'art et la possibilité d'écrire et de raconter l'histoire de cette amour.
Au XVIe siècle, les poètes invoquent souvent aux pensées des philosophes d'antiquité. Quant à Louise Labé, dans le Sonnet XVIII, elle profite de la philosophie du neoplatonisme.
Le neoplatonisme c'est une doctrine philosophique créée par Plotin au IIIe siècle. Selon cette tendance, l'esprit est la substance unie de chaque être humain tandis que le corps est seulement une ombre ou une copie de l'esprit. Le corps a certaines limits, il est divisé et faible pendant que l'esprit est imprisonné dans le corps. Dans le Sonnet XVIII, Louise Labé dit: "Lors double vie ŕ chacun en suivra/Chacun en soi et son ami vivra". Elle dit alors que les deux amants peuvent ętre unis par l'esprit commun - ils peuvent donner l'un ŕ l'autre une partie d'eux qui resterait au coeur ou au esprit de l'autre pour l'étérnité.
Ce qui imprime les controverses dans le "Sonnet XVIII" c'est le personnage du destinataire du počme. Certaines spécialistes pensent que Louise Labé était une lesbienne et que le destinataire de ce počme c'était une femme. Dans son histoire de la poésie française, Robert Sabatier écrit: "Louise Labé se situe en continuatrice de Sappho /l'amour lesbienne/ (...) Comme plus tard une Renée Vivien, elle fait l'amour dans ses vers". En plus, Joan Dejean dit: "Au XVIe sičcle Labé inaugure ce qui sera, pendant quatre sičcles, la définition dominante du Sapphisme: une passion hétérosexuelle non partagée." Néanmoins, jusqu'ŕ maintenant rien ne sűre quand on parle de l'orientation sexuelle de la počtesse.
Dans le "Sonnet XVIII" on peut trouver les échos des autres oeuvres littéraires. Premičrement, dans le fragment cité déjŕ, c'est-ŕ-dire: "Lors double vie ŕ chacun en suivra/Chacun en soi et son ami vivra" on peut retrouver le thčme pétrarquiste. D'aprčs ce thčme, les amants sont l'unité inséparable, l'un ne peut se séparer de l'autre. La seule possibilité de se séparer de l'autre personne c'est de se séparer de soi męme. Mais Louise détourne cette idée parce que chez Pétrarque l'âme amoureuse ne vit qu'en l'autre, chez elle, chacun vit en l'aimé et en soi.
A cause du sujet et de la supposition portant sur le destinataire de počme, on peut rémarquer certaines analogies entre le "Sonnet XVIII" de Labé et le "Počme V" de Catulle. Dans son oeuvre, Catulle ecrit par example: "Vivons, ma Lesbie, pour nous aimer/Et moquons-nous des vains murmures/Des tristes vieillards" ou bien "Donne-moi mille baisers, puis cent/Puis mille autres, puis encore cent/Puis mille autres, puis cent". On voit alors les męmes motifs de l'amour, du baiser et la mention du homosexualité.
Comme Louise Labé a ecrit beaucoup de ses oeuvres d'un style trčs pareil, les analogies avec ses autres počmes sont évidentes. Les motifs du baiser et des lčvres peuvent ętre rétrouvés aussi dans les autres sonnets de Labé, par exemple, dans le sonnet VI ("celle qui baiserait le plus beau don de Flore") et XIII ("lorsque tout doucement il m'embrasserait/et que mon esprit sur ses lčvres fuirait").
Pour conclure, le "Sonnet XVIII" de Louise Labé est une oeuvre trčs intéressante ŕ cause de son sujet et sa forme. Il est écrit par la počtesse du XVIe sičcle qui s'inspire des poétes antiques et médievaux. C'est un počme de l'amour mais écrit par la femme et probablement pour la femme. Louise Labé profite alors du bagage des époques précédentes et du XVIe sičcle mais elle est aussi innovatrice qui introduit dans la poésie ses propres idées.
Jerzy Lisowski, Antologia poezji francuskiej, tom 2, wyd. 1, Warszawa, Czytelnik 1970
Jerzy Lisowski, Antologia poezji francuskiej, tom 2, wyd. 1, Warszawa, Czytelnik 1970
Breghot du Lut, Euvres de Louize Labé Lionnoize, éditées par N. F. Cochard et Breghot du Lut, Lyon, Durant & Perrin, 1824
Louise Labé, Oeuvres Completes: Sonnets, Elegies, Debat De Folie Et D'Amour, Paris, Gallimard 2004
Jerzy Lisowski, Antologia poezji francuskiej, tom 2, wyd. 1, Warszawa, Czytelnik 1970
Robert Sabatier, La Poésie du XVIe sičcle, éditions Albin Michel, Diogčne, 2002
Joan E. DeJean et François Lecercle, Sapho: les fictions du désir, 1546-1937, Paris, Hachette supérieur, 1994
Jerzy Lisowski, Antologia poezji francuskiej, tom 2, wyd. 1, Warszawa, Czytelnik 1970
Catulle, G. Lafaye, Poésies, Paris, Belles Lettres, 2003
Catulle, G. Lafaye, Poésies, Paris, Belles Lettres, 2003
Jerzy Lisowski, Antologia poezji francuskiej, tom 2, wyd. 1, Warszawa, Czytelnik 1970
Jerzy Lisowski, Antologia poezji francuskiej, tom 2, wyd. 1, Warszawa, Czytelnik 1970
Agnieszka Pietrzak Le Sonnet XVIII de Louise Labé
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