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d'eleves quand la terre sera suffisamment defrichee pour les nourrir31. Cependant, les jesuit es devront abandonner ce projet au bout de quelques annees.
Les epidemies donnent Ie premier coup de grace au projet de francisation par 1’education. En effet, le milieu franęais cios facilite la conversion des enfants, mais aussi la propagation des microbes. Les Amerindiens ne possedant pas les anticorps necessaires pour combattre les nouvelles maladies, les seminaristes sont gravement touches. Ainsi, deux des cinq premiers eleves hurons, Satouta et Tsiko tombent malades au cours de l’hiver et meurent peu apres. Les trois autres survivent, mais le plus jeune d’entre eux, Aiandace (les deux autres sont Andehoua et Teouatirhon), rentre chez les siens. De meme, ranwee, en 1638-1639, de petits Montagnais et d'Algonquins se solde par la mort de plusieurs enfants ou leur affaiblissement, ce qui fait bientót croire que les jeunes Amerindiens ne peuvent subsister « hors de la mai son ou des cabanes de leurs parents »32.
Par ailleurs, le projet de seminaire se heurte a la desobeissance des enfants. Brusquement separes de leur milieu d’origine, les premiers seminaristes (Andehoua et Teouatirhon surtout) avaient fait preuve d'une certaine souplesse. Mais les nouvelles recrues ne sont pas si dociles33. Apres la mort des deux petits Hurons, trois nouveaux « nły pretendans que la satifaction de leurs plaisirs et sensualites » s’enfiiient et retoument chez eux «avec les vivres qu’ils peuvent enlever»34. Le climat du seminaire se trouve ainsi souvent «dans la tempete» et «l’adversite »35. La Relation de 1639 du pere Jeróme Lalemant constate qu'il est impossible de convertir les enfants sans tenir compte de leurs parents :
Le libertinage des enfants en ces pals est si grand, et ils se trouvent si incapables de reglement et de discipline, que tant s’en faut que nous puissions esperer les conversions du pais par Tinstruction des enfants, qu’il faut desesperer leur instruction, sans la conversion des parens. Et par consequent, tout bien considere, la
31 CAMPEAU. op. cit.% 1972. p. 73.
32 BEAULEEU, Convertir lesfils [...]. 1990, p. 148 ; THWAITES, The Jesuit Relations [...]y 1959, voI. 16. 1639. p. 186 iRelation de LE JEUNE).
33 Relations des jesuites, 1972, vol. 2, 1638, p. 23 {Relation de LE JEUNE).
34 Ibid.
35 THWAITES. The Jesuit Relations [...], 1959, vol. 16, 1639. p. 168 {Relation de LE JEUNE) ; BEAULIEU. « Reduireet instniiref..] », 1987, p. 151.