prefere creusait entre la foi et la science. La fin de la longue guerre entre Voetiens et Coceiens n’arreta pas encore le succes du Discours. II ne fut relegue au second plan que lorsąue l’exćgese, reduite a sa propre compe-tence, parut beaucoup moins dangereuse qu’au temps mouvemente ou elle commenęait a prendre son essor.
II va sans dire que plus qu’aucun autre de ses ouvrages ses sermons etaient nes du besoin de faire resonner la parole de Dieu dans les ames. En traits sublimes il y expose les mysteres de la religion pour nourrir les fideles des tresors infinis qu’ils renferment. C’est dire qu’ils ne devaient pas trop attirer les Hollandais du dix-huitieme siecle qui, en parfaits bourgeois, se contentaient d’une vie bien reglee plutót que de s’abreuver aux mysteres de la religion. Ee monde de Bossuet qui ne se composait que de grands et de pauvres, existant les uns pour les autres, n’etait pas le leur571). Les hauteurs mystiques ou il aimait a s’elever leur donnaient le vertige. Fenelon moralisant leur etait beaucoup plus proche. II faut que la renommee de Bossuet et son influence aient ete bien grandes pour que ses oeuvres oratoires aient pu jouer neanmoins quelque role. Dans la grandę tradition sermonnaire protestante elles ont pu exercer leur influence a la fin du dix-huitieme siecle, a un moment ou Tesprit de tolerance etait tres fort et ou, dans la predication, on voyait couronnes de succes les efforts des refugies franęais pour retirer les sermons de Tatmosphere purement dogmatique et polemique — efforts, dans lesquels on peut discerner aussi une certaine influence exercee par Bossuet —. De grands predicateurs comme van der Palm et Abr. Des Amorie van der Hoeven ont frequente son oeuvre. Chez les catholiques, ou cette tradition sermonnaire fait defaut, les traces de son influence sont moins faciles a retrouver. On ne lisait les oeuvres des grands orateurs que pour les piller. Une seule fois on a edite naivement les sermons d’un tel plagiaire: les critiques ont eu un malin plaisir a montrer du doigt le larcin. Mais Bossuet n’y a pu faire ecole. Et actuellement ses oeuvres oratoires, qui se trouvent dans les bibliotheques de tous les seminaires hollandais, ne sortent plus que rarement de leurs rayons. Pourtant plus que jamais il pourrait etre a 1’heure actuelle un grand maitre d’eloquence sacree. Les graves leęons sociales dont ses sermons abondent iraient droit au coeur de Thomme moderne. Et — ce qui importe encore davantage — notre temps, plus qu’aucun autre peut-etre, desire ardemment la predication evangelique et pourtant si simple que sa foi enfantine et son genie lui ont permis de creer. Mais il reste toujours une condition essentielle a remplir, qui est de vouloir suivre son exemple. 11 a vecu durant sa vie entiere dans le commerce le plus intime avec la Bibie et les Peres grecs et latins. Sans copier leurs pensees ou leurs images, il a appris d’eux 1’art de traiter en chaire la theologie et la morale, en se
571) B. Groethuysen, Origines de l’esprit bourgeois en France, t. I, p. 167 sq.
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