II est interessant de le voir se retrancher tout simplement derriere Bossuet. Voila sans doute un pavillon qui devait, selon lui, faire passer la marchandise.
Nous avons deja vu comment M. de Meaux s’est joint aux bataillons de Port-Royal qui se trouvaient a l’avant-garde de la guerre contrę les protestants. De concert avec eux, il a essaye de jeter un pont entre les deux partis, et de chasser les vains fantómes qui effrayaient les reformes des qu’ils tournaient leur regard vers Romę. La doctrine de la justification, de la foi et des oeuvres avait ćte proposee par les premiers reformateurs comme le fondement le plus essentiel de leur rupture avec Romę. Cetait la un de ces fantómes. La gratuite de la Redemption fut enseignee expres-sement par 1’Eglise. Bossuet le faisait ressortir nettement: nous ne pouvons rien par nous-memes; c’est en Jesus-Christ que nous vivons, meritons et satisfaisons; c’est de Lui que nos fruits de penitence tirent leur force; ils sont offerts par Lui au Pere et c’est en Lui que le Pere les accepte213). II etait dangereux de traiter ainsi sous 1’oeil attentif de l’adversaire, des matieres aussi delicates et aussi controversees. Nombreux etaient ceux qui guettaient le moment ou il ferait un faux pas et tomberait dans Tabime. Dans Pardeur du combat, on avait deja quelquefois cru que ce moment etait venu, et on avait pousse des cris de triomphe. N’en retentit-il pas un dans YHistoire du Jansenisme du calviniste hollandais Leydecker? Dans une digression sur le liyre de Bossuet il y compare quelques propositions de Baius, condamnees a Romę, a des theses, detachees de YExposition, „qui condamnent la vieille Romę comme apostatique et qui rendent vaine la Bulle contrę Baius”. II s’etonne de ce nouveau langage. La Reforme aurait-elle frappe les regards des theologiens les plus perspicaces dans le camp romain? Ou devrait-on y reconnaitre les principes augustiniens, depuis longtemps mis en lumiere? Mais evidemment, Bossuet, ce n’etait pas Romę. Si c’etait vraiment la la foi romaine, les catholiques devraient condamner les Bulles lancees contrę Baius et Jansenius, poursuivre dłana-themes tous les jesuites, qui s’opposaient aux theses de M. de Meaux, et reconnaitre que leur Eglise avait quitte jadis la foi et que la Reformę avait donc ete plus que necessaire. On devait etre sur ses gardes. Tant que les catholiques nobligeraient pas les moines, les docteurs et les prelats a renier les erreurs de la terrible Papaute qu’ils retenaient toujours, et a celebrer la grace divine dans le sens de Peveque de Meaux, lui se mefierait du chant de Poiseleur 244).
243) Exposition, art. VI, VII et VIII. C’est un theme qui revient sans cesse sous sa plumc. Cf. entre autres sa lettre a Paul Fcrri du 8 juillet 1666. (Correspondance, t. I, p. 149).
244) Melchior Leydecker, 1642-1721. En 1677 il succeda a Voctius. En 1695 il
publia De Historia Jansenismi Libri VI. (Cf. de Bie en Loosjcs, Biographisch Woor-denboek, t. V, p. 775 sq.). La „Digressio...... de Expositione fidei, cum Baji doctrina
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