II n'y a la a vrai dire rien tfetonnant, etant donnę fetroitesse et Fandennete des rapports q existaient entre cette abbaye benedictine et la monarchie franęaise. Saint Denis etait devenu "patron particulier" (peculiaris patronus) des souverains francs des le debut du VTT siecle; cii cents ans plus tard, ce patronage s'etah etendu au royaume entier, comme aime le rappel Michel Pintoin (ex.: IV, 480). L'abbatiale, qui avah accueilli les depouiUes de certains rc merovingiens et carolingiens, devint plus tard le lieu offidel de sepulture des Capetiens. Enfi depuis le regne de saint Louis au moins, les moines de Saint-Denis avaient la gardę d Instruments du sacre, qui etaient conserves dans le tresor de 1'abbaye. Toutefois, pour periode anterieure a 1437, rien ne prouve que les oeuvres des historiens sandionysiens aient e offidellement commanditees par les monarques, en depit de tout ce qui a pu etre affirme Fefiet du contraire, a commencer par les moines de Saint-Denis euK-memes44. D'ailleui Michel Pintoin s'exprime avec une franchise et une liberte de ton que Ton chercherait en va chez des chroniqueurs "offiriels" tels que son successeur Jean Chartier, devenu en 141 rhistoriographe attitre de Charles V13, ou encore Pierre cfOrgemont, chancelier de Charles 1 auąuel ce demier avait confie le soin de rediger Htistoire de son regne et de celui de Jean II: s critiąues n'epargnent ni les princes du sang, ni le roi lui-meme45. Et si le Religieux preoccupe d'exalter la majeste royaie, quitte a passer sous silence ou meme a "corriger" certai faits lorsquril estime que cette meme majeste a ete lesee, c’est avant tout par convicti< personnelle, bien plus que par opportunisme46.
44 En 1406. une ąuerelle eclata entre les moines de Saint-Denis et les chanoincs dc Notre-Dame de Paris. sujet de rauthcntidte d'une relique de saint Denis que ces denucis prćtendaient posseder. LaHaire fut pon devant le Parlement Pour les besoins de la causc, les moines firent appel au (emoignage des chroniqu sandionysiennes: ils pretendirent qu’il sfagissait de textes "authentiąues et approuves". dont les auteurs a\aie depuis Philippe Augustę le statut d*historiograpbes ro>aux. Leurs adversaires repliąuerent qu’elles n’etaient q "pures escripcures pnvte", et que les chroniąueurs de Saint-Denis. y compns "cciini qui a prescnt est". pouvaient en aucun cas ćtre ąuaiifies de "regum Francomm chronogrophi". Voir B. Gueoće, "Michel Pintoi sa \ie, son oeuvrc", pp. XXH-XXHIł P. S. Lewis, loc. cii.. pp. 151-153.
45 Voir. par exemple. i propos de Charles VI: L 566 (scs defauts); L 608 et D, 450 (sa prodigalite excessive): propos de Jean de Berry: L 572 (son ambition et sa cupiditć); i propos de Louis (fOrleans: OL 266 (son mauv; gouvemement); m. 458-460 (il deroge a la gioire de ses ancetres; sa cupiditć); a propos de Jean sans Peur: 210.246 et 276-278 (ses torts); a propos du duc dc Brabant: IV. 368-370 (sa conduite deshonorante). On notę en outre que durant la guerre civile, qui dechire le royaume A partir de 1411. le Religieux a su faire preuve moderation dans son attitude a 1'egard des facdons males: se rangeant du cótć des mgraves et modesti virim (I 520-522; V, 120 et 278; etc.), il deplore la vioicnce (ex.: IV. 600) et condamne les meiaits commis par l'un • 1'autre parti (IV, 446.556, 564-566: V. 138-140; etc.). Sa situation a pourtant du ćtre partkulićrement delica compte tenu du fait que la ville et l’abba>e de Saint-Denis ont ćte occupćes tantot par les troupes d Armagnacs, tantót par les armees bourguignonnes.
46 B. Guenee, "Fiction et rćalite dans roeuvre du Religieux de Saint-Denis". pp. 7-11; /</., "Michel Pintoin: vie. son oeuvre", pp. LII-LVI.