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Annuaire de la Commis3ion du droit Internationa), 1975, vol. II
6) La Cour suprćme des Etats-Unis d’Amćrique a ćgalcment eu 1’occasion de discutcr des cfiets dc la clause dc la nation la plus favorisćc lorsqu’elle se combine avec la clause du traitcment national figurant dans un autre traitć. La clause de la nation la plus favorisee en qucstion ćtait celle qui figurait dans un traitć conclu en 1881 entre les Etats-Unis et la Serbie. Les passagcs essenticls dc cette clause se lisaient comme suit :
Pour tout ce qui concerne lc droit d’acqućrir, de possćder et de cćder toute categorie de biens, immobiliers ou mobiliers, les rcssor-tissants des Etats-Unis en Serbie et les sujcts serbes aux Etats-Unis jouiront des droits qu’accorde ou accordera la legislation respcctive-ment dans Pun et Pautre dc ces Etats aux nationaux dc la nation la plus favorisćc.
Dans ces limites, et dans les memes conditions que les ressortis-sants de la nation la plus favorisće, ils peuvent librcmcnt reccvoir, possćder et cedcr ces biens, quc ce soit par achat, vente, donation, echange, contrat dc mariage, testament, hćritagc, ou de toute autre manićrc, sans ćtrc soumis k des taxcs, imputs ou redcvances autrcs ou plus ćlcvćs quc ccux qui sont ou pourront ćtre peręus des nationaux du pays ou des sujets de 1’Etat le plus favorisć. [... ]M1.
La Cour supreme a declare :
Lc traitć dc 1881 indiquc claircmcnt quc son principal objectif cst d’instaurcr « a titre rćciproque, la pleine ct entićre libertć du com-merce et de la navigation «entre les dcux Etats signataircs, de manićre que leurs rcssortissants » soient librcs dc s’ćtablir sur le territoire de Pautre Etat». Leurs ressortissants doivent ćgalcment pouvoir librcmcnt recevoir, possćder ct cćdcr des biens par leurs activitćs commcrcialcs, par donation, mariage, hćritage ou de toute autre manićre « dans les memes conditions quc les ressortissants de la nation la plus favorisće». Ainsi, les deux paragraphes de l’article II du traitć dont il est ici question comportent une clause « dc la nation la plus favorisćc » ct cn cc qui concerne « l’acquisition, la possession ou la ccssion de toutes catćgories de biens». Cette clause signifie que chacun des signataircs accordc k Pautre les droits ct les privilćgcs les plus ćtendus qu’il accorde k tout autre Etat cn vertu d’autres traitćs conclus ou k conclure. A cet egard, notre attention a etć attiree sur un traitć conclu par cc pays avcc PArgcn-tinc [“*1 antćricurcmcnt au traitć de 1881 avec la Serbie ct sur des traitćs conclus par la YougosIavie avec la Pologne et la Tchćcoslo-vaquic, qui prćvoient tous sans ambigultć dc la faęon la plus largc, ct k titre de reciprocitć, le droit de recevoir une succession au profit des ressortissants des Etats signataires, cc qui aurait prćcisćment pour consequcncc dc protćgcr lc droit dc ces dcmandcurs yougo-slaves a recevoir la succession de leurs parents amćricains .[... J
Nous estimons que, en vertu du traitć de 1881 et de sa clause « de la nation la plus favorisće », ces dcmandcurs yougoslavcs ont lc meme droit de recevoir des biens meubles en hćritage de leurs
431 G. F. dc Martens, ćd., Nouyeau Recueil generał dc traitćs, Gottingue, Dieterich, 1887, 2* sćrie, t. XI, p. 745 (tcxte anglais).
433 La clause du traitcment national (art. IX) du Traitć d’amitić, de commerce et de navigation conclu entre les Etats-Unis et la Confćdćration argentinc en 1853 dispose que :
« Pour tout cc qui a trait a [... 1 Pacquisition et la cession de biens dc toute sortc ct dc toute appellation, que ce soit par ventc, donation, ćchange, testament ou de toute autre manićre, [... 1 les citoyens des deux Parties contractantes jouiront rćciproquement des mćmcs privilćgcs, livcrtćs ct droits quc les nationaux [...]«.»
Ł EuaU-Unis cTAmćriguc, The Statutes at Large and Treaties of the United States of America from Decembtr, 7925, to March, 1927% vol. X, Washington (D.C.)t U.S. Govcmm€nt Printing Office, 1927, p. 1009. Egalement dans : Royaumc-Uni, Dńtish and Foreign State Papcrs, 7852-7553, vol. 42, Londres, Ridgway. 1846, p. 722.
parents que s’ils etaient des ressortissants amćricains habitant 1’Etat d’Oregon. [...J 433.
7) La solution, ćtayće dans la pratique, proposee k Particie 16 a ćtć misę en cause par plusieurs auteurs. Selon Levcl,
On peut arguer a 1’cncontre de la solution affirmative que la clause dc la nation la plus favorisćc se situc, dans Pćchelle des concessions mutuelles que se font les Hautes Parties contractantes, k un degre infćricur a cclui dc la clause d’assimilation au national, ct qu’il cst paradoxal de faire produirc a la premićre les mćmcs consćqucnces qu’a la seconde. En outre, on peut se demander si la naturę par-ticulićrc des deux elauses nc s’oppose pas k leur miso en ceuvrc cumulative. Clauscs d’ćgalisation 1’une, au regard dc 1’ćtrangcr le plus favorisć, Pautre par rapport au national, clles n’ont pas d’effet par leur contenu, mais par simple rćfćrcncc. Cette sortc de renvoi d’une clause a Pautre jusqu’a produire un effet non conforme a la signification de la premićre des clauscs correspond-elle bien a la volontć des Etats contractants? Bien quc cette argumentation ffit pertinente, la jurisprudence [franęaisej s’est ralliee dans son ensemble k la solution conduisant a appliqucr lc traitcment national a ceux qui Piuvoquent par Pintermćdiaire d’une clause de la nation la plus favorisće 434.
8) S’appuyant sur la pratique des Etats, la Coramission n’a pas dc raison de s’ćcarter de la conclusion qui decoule du sens ordinaire dc la clause et qui assiraile le benćfi-ciaire k la nation la plus favorisec : si l’avantage le plus ćleve accordć k un Etat tiers est le traitcment national, c’est ce traitement — conforme k la promesse — qui sera donc d\l au bćneficiaire. Si un Etat tient k exclure de sa promesse de traitement de la nation la plus favorisee le bćnefice du traitement national, consenti ou k consentir, il est librę de le faire. Si pareille exception n’est pas stipulee dans le traitć, il s’ensuit que la promesse de traitcment national est postćrieure au traitć contenant la clause dc la nation la plus favorisee. Cette situation exige simplemcnt une certaine circonspection de la part des negociateurs des traitćs.
9) La rćgle ćnoncće a Particie 16 a un caractere supplćtif, et ne s’applique que lorsque le traitć n’en dispose pas autrement ou les parties n’en sont pas convenues autre-ment. C’est pourquoi Particie commence par les rnots «A moins que le traitć n’en dispose ou qu’il n*en soit convenu autrement». Toutefois, ces mots ont etć mis entre crochets pour rappeler que la Commission dćcidera plus tard si elle veut faire figurer cette rćserve dans chacun des articles ou elle doit apparaitre ou si elle adoptera un article de caractere generał qui s’appliquera k toutes les dispositions pertinentes du projet635.
Article 17. — Traitement de la nation la plus favorisee et
traitement national [ou autre traitement) concernant la
meme matiere
Lorsqu’un Etat concćdant s’est engage par traitć a accorder a un Etat bćneficiaire le traitement de la nation la plus favorisće et le traitement national [ou un autre
433 Kolovrat et autres c. Oregon, Etats-Unis d’Amćrique : Cour suprćmc, ler mai 1961 (Annuaire... 1973, vol. II, p. 146, doc. A/ CN.4/269, par. 73).
434 Lcvcl, loc. cit., p. 338.
434 Voir ci-dcssus par. 117 du present rapport.