112 Annuaire de la Commission du droit International, 1975, vol. II
gouvemcment pćruvien en charge ćtait le successeur du gouvernement provisoire d’Iglesias et Caceres et que, partant, il ćtait responsable des faits commis par les agents respectifs de l’un et de 1’autre. A la suitę de quoi le Gouvernement peruvien abandonna sa premiere argu-mentation et admit que les mesures prises a 1’encontre de 1’agent consulaire americain ćmanaient d’une « autorite legitime » 290.
18) Les auteurs de droit international, tout en gardant chacun des particularitćs dans leur conception propre, sont en principe d’accord pour affirmer que 1’Etat dont le gouvemement est l’expression d’un mouvement insur-rectionncl victoricux doit rćpondrc des faits commis par des agents dudit mouvement au cours dc la lutte m. A cet effet, ils ne font pas, en gćnćral, de distinction entre Phypothese ou les insurges se sont affirmćs comme nouveau gouvcrncmcnt ou nouveau regime sur la totalite du territoirc dc 1’Etat prćexistant ct celle oii ils ont par contrę provoque la formation d’un Etat nouvcau sur unc partie du territoirc de 1’Etat prćexistant, donc detachćc de ce dernier. Les internationalistes sont aussi generale-ment d’accord pour affirmer que, dans la premiere de ces deux hypotheses, le fait quc Ton tienne 1’Etat pour responsable des faits illicitcs commis par les insurgćs pendant la rćvolution n’exclut nullement la possibilite de lui attribuer en meme temps la responsabilitć des comportemcnts des organes du gouvernement prćcćdent. Finalcment, a quclqucs exccptions pres, les auteurs qui ont lc plus approfondi la question n’hesitent pas a dire explicitement que les faits du mouvement insurrectionnel doivent etre retrospcctivement consideres comme des faits du gouvcrnement qu’ils ont cree par la suitę 292.
390 Voir en particulicr les notes Alzamora a Buck du 28 aoGt 1888, Buck a Alzamora du 3 septembre 1888, et de nouveau Alzamora a Buck du 6 novembre 1888 (ibid., p. 985 et suiv.). Si le Gouvernement peruvien continua nćanmoins a rejeter toute responsabilitć, ce fut cn contestant lc caracterc objectivement illicite des mesures en qucstion.
m Voir a ce sujet, parmi les ouvragcs consacres specifiąuement a la question des insurrections, des guerres civilcs ct des gouvcme-ments de facto : Goebel, loc. cit., p. 818; Spiropoulos, op. cit., p. 176 et 177; SiWanie, loc. cit., p. 78 et suiv.; Berlia, loc. cit., p. 59; J. Charpcntier, La reconnaissance internationale et l'evolution du droit des gens, Paris, Pćdonc, 1956, p. 52 ct 53; Castren, loc. cii., p. 236 ct suiv.; J. A. Frowein, Dos de facto-Regime im Volkerrecht, Coiogne, Hcymann, 1968, p. 85 ct 86.
Voir aussi, parmi les ouvrages consacres en generał k la responsabilitć : Borchard, op. cit., p. 241 ct 242; Strupp, « Das volkerrechtliche Dclikt», Handbuch des Vólkerrechts, Stuttgart, Kohlhammcr, 1920, t. III, 4C partie, p. 91 et 92; Decencićrc-Fcrrandierc, op. cit., p. 166; Eaglcton, The Responsibility of States... (op. cit.), p. 147; Matirtua ct Scott, op. cit., p. 57 et suiv.; Reuter (op. cit.), p. 94 et 95; Amerasinghe, loc. cit., p. 123 ct suiv.; Jimencz de Arechaga, loc. cit., p. 563 et 564.
Enfin, parmi les ouvragcs gćnćraux et les manucls de droit interna-tional, voir : J. H. Ralston, The Law and Procedurę of International Tribunals, Stanford (Calif.), Stanford University Press, 1926, p. 343 et suiv.; Hyde, International Law... (op. cit.), p. 987 et 988; Cheng, op. cit., p. 190 ct 191; Ch. Rousseau, Droit international public, Paris, Sircy, 1953, p. 380; G. Schwarzenbergcr, op. cit., p. 627 et suiv.; Dahm, op. cit., p. 202; W. Wenglcr, Volkerrecht, Berlin, Springer, 1964, t. II, p. 1020; Brownlie, Princip/es... (op. cit.), p. 375; Cavarć, op. cit., p. 547 ct 548; 0’ConneIl, op. cit., p. 968; Von Glahn, op. cit., p. 245.
*•* Voir Goebel, loc. cit., p. 818; Eagleton, The Responsibility of States... (op. cif.), p. 147; Ralston, op. cit., p. 343; Hyde, International Law... (op. cit.), p. 987 ct 988; Cavarć, op. cit., p. 547;
Pour ces auteurs, de tels faits sont h considćrer, k partir du moment ou le mouvement insurrectionnel est dcvenu victorieux, comme des « faits de 1’Etat ».
19) Abstraction faite de la base de discussion n° 22, c, rćdigće par lc Comite preparatoire de la Confćrence de 1930, cinq projets de codification traitent de la qucstion qui fait 1’objet du prćsent article. Le projet de Harvard dc 1929 29:J, celui du Comite juridique interamćricain de 1965 294 et celui de Garda Amador de 1957 235 parlcnt d’une faęon gćnerale de responsabilitć de 1’Etat pour faits d’une insurrection victorieuse. Le projet de Har-vard de 1961 exprime avec plus de precision 1’idće de 1’attribution a 1’Etat des faits d’organcs d’un mouve-ment insurrectionnel devenu ensuite le gouvernement dudit Etat 230. Seul le projet rćvisć de Garda Amador (1961) s’eloigne des autres, car il semble vouloir limiter la qucstion, meme cn cas de triomphe de 1’insurrection, a 1’hypothese de nćgligence de la part des organes « Ićgitimes » de 1’Etat 237.
20) Compte tenu des considerations qui prćcedent, le prćsent article comporte deux paragraphes, consacres respectivement a 1’hypothcse ou 1’organisation du mou-vement insurrectionnel devicnt le nouveau gouvernement dc Tcnscmblc du pays et a l’hypothese ou 1’organisation du mouvement insurrectionnel devient celle d’un nouvel Etat, constituć sur une partie du territoire soumis aupa-ravant a la souverainctć ou a 1’administration d’un Etat prćexistant. La Commission a estimć qu’il ne faut pas fairc de distinction, aux fins du prćsent article, entre diffćrentes categories de mouvements insurrectionnels sur la base de leur eventuelle « legitimite » internationale ou de 1’illicćitć ćventuelle de leur installation au pouvoir, et cela en depit de 1’importance que de telles distinctions peuvent avoir dans d‘autres contextes. Du point de vue dc la formulation des regles juridiques regissant la res-ponsabilite des Etats, il serait extremcmcnt dangercux
Cheng, op. cit., p. 190; Reuter, loc. cit., p. 94; Schwarzenberger, op. cit., p. 628 et 629; Amerasinghe, loc. cit., p. 127 et 128. On peut aussi rclcvcr quc tous les auteurs qui (comme Borchard, Berlia, Rousseau, Vcrdross, Castren) souscrWcnt a 1’idće que les insurges victorieux sont ccnsćs avoir dćs lc dćbut rcprćscntć la vraie yolonte nafionale doivent necessairemcnt considćrer les organes du mouvcment insurrectionnel comme etant dćji des organes de 1’Etat au moment ou ils ont commis les actes prćjudiciablcs. De tous les auteurs consultćs, sculs Strupp ct, dans son sillage, Dccencićrc-Fcrrandierc paraissent etre nćgatifs quant a Pattribution a 1’Etat du comportement des organes du mouvcment insurrectionnel pendant la rćvolution.
393 Article XIII, al. b (Annuaire... 1956, vol. II, p. 230, doc. A/ CN.4/96, annexe 9).
**4 Point VI (Annuaire... 1969, vol. II, p. 160, doc. A/CN.4/217 ct Add.l, anncxc XV).
3,6 Article 12, par. 2 (Annuaire... 1957, vol. II, p. 146, doc. A/ CN.4/106, annexe).
399 Article 18, par. 1 :
« Dans lc cas d’unc rćvolution ou d’unc insurrection qui aboutit a un changemcnt de gouvcmcmcnt dc 1’Etat ou k la creation d’un nouvcl Etat, tout actc ou omission d’un organc, organisme, agent ou employć d’un groupement rćvolutionnaire ou insurrectionnel est, aux fins de la presente Convention, imputablc i 1’Etat dans lequel ledit gouvernement s’est installć au pouvoir. »
(Annuaire... 1969, vol. II, p. 151, doc. A/CN.4/217 et Add.l, anncxc VII.)
,BT Article 16 (Annuaire... 1961, vol. II, p. 50, doc. A/CN.4/134 ct Add. 1, additif).