102 Annuaire de la Commission du droit International, 1975, vol. II
17) Vers la meme ćpoque, une autre serie de jugements intćressants ont ete rendus par lcs differcntes Commis-sions des rćclamations creees par les accords passćs entre le Mexique et diverses puissances k la suitę des evene-ments survenus au Mexique entre 1910 et le milieu des annees 20. Par exemple, dans YAffaire de la Home Insurance Company, tranchee le 31 mars 1926, la Commission gćnćrale des rćclamations Etats-Unis d’Amerique/ Mexique nia la responsabilitć du Gouvernement mexicain pour une action commise a Puerto Mexico, au dćtriment dc la socićtć amćricainc, par le commandant local des forces insurrectionnelles du genćral dc la Huerta228. La decision rendue le 3 octobre 1928 dans YAffaire Solis, et rćdigće pour la Commission gćnćrale par le commissairc Nielsen, jugea insuffisante la preuve fournie du prćtendu dćfaut de protection dont les forces du Gouvernement mexicain ćtaient accusees par le plaignant. La decision fait etat comme d’un «principe bien ćtabli du droit international » qu’un gouvernement ne peut pas etre tenu pour responsablc d’unc action commise en violation de son autorite par des groupcs de rebelles lorsqu’il n’est pas lui-meme coupable d1 2un manquement k la bonne foi ou d’une nćgligence dans la rćpression de 1’insurrcction. Seul un manquement par les autorites lćgitimes de l’Etat k ce devoir de protection pouvait constituer la source d’une responsabilitć de PEtat 227. Le principe de la non-responsabilitć de PEtat pour des actions delictueuses commises par des mouvements insurrectionnels ressort aussi du jugement dc 1’arbitre Vcrzijl dans YAffaire Georges Pinson, tranchee le 19 octobre 1928 par la Commission des rćclamations France/Mexique 223.
18) Certaines dćcisions de la Commission des reclama-tions Grande-Bretagne/Mexique, constituće en vertu de la Convention du 19 novembre 1926, revetent un intćrćt particulier en ce qu’elles prcnnent specialement en consi-deration Phypothcse d’un dćfaut de rćpression de 1’insurrection ou de punition des coupables. Elles s’attachcnt meme a fournir des criteres pour ćtablir la preuvc d’un tel dćfaut. Par exemple, dans le jugement du 15 fćvrier 1930 relatif k YAffaire des Mexico City Bombardment Claims, la Commission indiqua que
Dans un grand nombrc de cas, il sera cxtrememcnt difficile d’ćtablir sans doute aucun 1’omission ou Pabsence de mesures dc rćpression ou dc punition. La Commission sc rend compte de ce qu’il est toujours difficile de fournir d’une manićre absolumcnt con-vaincantc la prcuve dc faits nćgatifs. Mais on pourra prćsumer qu’il existe a premićre vue une preuve solide dans les cas ou, primo, Pagcnt britannique pourra fairc admettre que lcs faits ćtaient connus
ałD Ibid., vol. IV (numćro de ventc : 1951.V.1), p. 48 et suiv., et notamment p. 52.
ir> Ibid., p. 358 et suiv. Le commissairc Nielsen constata que, abstraction faite des donnćcs de chaque cas particulier, « le caractere et Petendue d’un mouvement insurrectionncl doivent ćtre un facteur d’importance pour juger dc la qucstion de la possibilitć d’assurer la protection » (ibid., p. 362 [tr. de 1’original anglaisl). Par la suitę, des critćres similaires furent appliques par la mćme commission dans la dćcision relative a 1’Affaire Bond Coleman (ibid., p. 364 et suiv.), et ćvoques par le commissairc Nielsen dans son opinion se rapportant k PAffaire Russcl, jugee par la commission creee par la Convcntion speciale americano-mexicainc du 10 septembre 1923 (ibid., p. 831).
Ibid., vol. V (numćro de vente : 1952.V.3), p. 352 et 353. Voir aussi k ce propos les criteres ćnoncćs dans la dćcision du 19 mai 1931, rclativc a PAffaire John Gili (ibid., p. 159J.
par lcs autoritćs competentcs, soit parce qu’ils ćtaient de notoriete publique soit parce qu’ils avaient etć portćs en temps vou!u k leur connaissance, et ou, secundo, 1’agent mexicain nc pourra fournir aucune prcuve d’une action entreprise par les autorites m.
Sue ces bases, la majorite de la Commission conclut k la responsabilitć du Gouvernement mexicain, notant en particulier que 1’agent du Mexique n’avait pas pu fournir de preuve d’une action d’cnquetc, de rćpression ou de poursuite de la part des autorites, malgrć que celles-ci, dOment informćes des faits, eussent pu agir en cc sens. Dans YAffaire John Gili, la majorite dc la Commission conclut k la responsabilitć de PEtat mcxicain, et cela pour les mcmes raisons que cclles qui ont ćte indiquees dans le jugement relatif aux Mexico City Bombardment Claims.
19) La jurisprudence arbitrale intemationalc fait donc preuve cPune remarquable unitć de vues. II en est de meme pour la pratique diplomatiquc. A une ćpoque assez eloignće dćja, les chancelleries des puissances avaicnt fait leur le principe que PEtat ne pouvait pas etre tenu pour responsablc des faits d’un mouvement insur-rectionnel en rćvolte contrę le gouvernement legitime et que, en pareil cas, on ne saurait envisager une responsa-bilite de PEtat que si ses organes, tout en ayant la possibilitć de le faire, ne prenaient pas les mesures de prćvention et de rćpression approprićes. Les vues des gouvemements rejoignaient donc celles qu’exprimaient alors les tribunaux arbitraux, souvent a Poccasion des memes situations. On le constate dans bon nombre de cas, quc les ćvenemcnts au cours dcsquels des prćjudices furent causćs k des ćtrangers par des organes de mouve-ments insurrectionnels aient eu pour cadre la guerre de Secession (1861-1865) aux Etats-Unis d’Amćrique 930, la Commune de Paris (1871) en France231, Pinsurrection carliste (1874) en Espagne 232, la rćvolte d’Arabi Pacha (1882) en Egypte 233, les deux insurrections (1868-1878 et 1895-1898) pour Pindćpendance de Cuba m, ou encore les diffćrentes insurrections dirigees contrę les gouverne-ments dc telle ou telle autre nation latino-americaine23S. Lc principe que, dans le cas dc prćjudices causćs par des organes d’un mouvement insurrectionnel, PEtat ne peut
,a# Ibid., p. 80 [tr. de Poriginal anglais].
130 Voir, pour des cas figurant dans les recucłls de la pratique des Etats-Unis d’Ameriquc, Moorc, Hlstory and Digest... (op. cit.), vol. II, p. 1621 k 1624, et A Digest... (op. cit.), p. 957 et 958; et, pour des opinions emanant des conseils de la Couronne britannique, A. D. McNair, International Law Opinions, Cambridge, University Press, 1956, vol. II, p. 256 et 257.
*31 McNair, op. cit., p. 261 et suiv.
«2 Ibid., p. 265.
*” Ibid., p. 267 et 268.
134 Moorc, A Digest... (op. cit.), p. 961 et suiv., et 966 et suiv.
34 Voir Moorc, A Digest... (op. cit.), p. 966 (insurrection de 1893 au Brćsil), 980 et 981 (prise temporaire du pouvoir au Mcxique par 1’empereur Maximilien), 981 a 984 (insurrection dc 1873 au Venc-zuela); Hackworth, op. cit., p. 673 (insurrection de 1926 au Honduras); McNair, op. cit., p. 259 et 260 (insurrection au Venezuela), 271 (insurrection au Brćsil). Voir aussi la lettre du 17 aoOt 1894 du Ministra italien des affaires etrangeres, Blanc, au Charge d’afTaires italien a Rio, dans le Livre vert prćsentć lc 6 decembre 1894 k la Chambre des dćputćs (Italie, Atti parlamentari, Camera dci deputati, Documenti diplomatici presentati al Parlamcnto italiano dal Mi-nistro degli Affari esteri, doc. n° VII bis, Brasile : Reclami italiani, Romę, 1895).