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Annuairc de la Commission du droit International, 1975, vol. II
Nous nc pouvons dćveloppcr ici les raisons et lcs considćrations sur lesquclles la CNUCED fonde sa position cn ce qui concerne la question des prćfćrences. En raison de la lenteur de Pexpansion des exportations de produits primaires et des limitations qu’impose une industrialisation tournee vers Pintćrieur, la croissancc economiquc des pays en voic dc dćvcloppcmcnt dćpend dans une large mesurc dc la crćation d’industrics orientćes vers Pcxportation. II est clair, toutefois, que les pays en voic de dćvcloppemcnt ne peuvent prendre pied sur les marches fortement concurrentiels des pays developpes quc s’ils bćneficient, pendant un ccrtain temps, de conditions d’acces prćfćrenticllcs. Les arguments qui justifient ce traitement prćfćrcntiel sont analogues k ceux qui valent pour Pindustrie k ses debuts. On admet depuis longtemps que, pendant les premiers stades de 1’industrialisation, les producteurs nationaux doivent disposer d’un marche intćrieur protegć contrę la concurrence des producteurs ćtrangers. Ccttc protection leur est assuree gr§cc k cclle dont jouis-sent les Industries naissantes sur le marchć intćrieur. On pourrait faire valoir de mćmc que la promotion des industries orientćes vers l1 2exportation cxige un marchć d’cxportation protćgć. La crćation de conditions d’acces prćfćrcnticlles en faveur des pays fournisseurs en voir dc dćvcloppement rćpond a cc besoin. Lc traitement prćfćrcntiel des cxportations dc produits manufacturćs et d’articlcs semi-finis doit durer jusqu’ś cc qu’il soit reconnu que les fournisseurs en voie dc dćveloppement sont dcvcnus concurrentiels sur le marche mondial. A ce stade, lcs conditions d’acces aux marches des pays dćvcloppćs scront de nouveau regies par la elause dc la nation la plus favorisćc.
La CNUCED prćconise un systeme generał de prćfćrences sans reciprocitć dont benćficieraient tous les pays en voie de dćvcloppc-ment, mais elle n'est pas cn faveur des prćfćrences dites specialcs ou « verticales ». II s’agit des arrangements prćfćrentiels en vigueur entre certains pays en voic dc dćvcloppcment et certains pays dćveloppes. L’arrangement qui existe entre la Communautć ćcono-mique curopćcnne et dix-huit pays africains, dont la plupart sont d’anciennes colonics franęaises, en est un exemple typique. Tcl est aussi lc cas dc Parrangement prćfćrcntiel entre le Royaume-Uni et lcs pays en voic dc dćveloppement du Commonwealth. Ces arrangements different du systeme gćnćral de prćfćrences sous deux rapports importants :
a) lis impliquent une discrimination qui favorise certains pays en voie de dcvcloppement a l’cxclusion de tous les autres. Par consćquent, les pays tiers en voie de dćveloppement risquent de subir un prćjudice.
b) lis sont rćciproques. Ainsi, les pays africains associes beneficjent de conditions d'acces preferentielles au Marchć commun, et en echange lcs pays du Marchć commun bćneficient d’un acces prćfćrcntiel aux marches des pays associćs. Sauf quelques cxcep-tions, les rapports entre le Royaume-Uni et lcs pays du Common-wcalth sont aussi caractćrisćs par la reciprocitć.
Commc ii a dćjśi ćtć mentionnć, ces arrangements prćfćrentiels speciaux ćtaient autorisćs par lcs dispositions de Particie lcr de 1’Accord generał cn tant que derogations a la elause dc la nation la plus favorisćc. Selon les rccommandations de la CNUCED, ces arrangements prćfćrentiels doivent etre supprimes progressivcmcnt, k mesure que des avantages equivalcnts scront assurćs aux pays en voie de dćveloppcment qui cn bćneficient.
Lc huitiemc principc gćnćral prćcise quc :
«I-es prćfćrences specialcs dont certains pays en voie dc dćvcloppcment bćnćficicnt actuellcment dans leurs ćchangcs avec certains pays dćveloppes dcvraicnt ćtre considćrćes commc transitoires ct sujettes k rćduction progressive. Ces prćfćrences dcvraicnt etre supprimćes au fur et k mesure qu’entrcront en vigueur des mesures intcmationales efficaccs garantissant des avantages au moins equivalents aux pays intćrcsses [••2].»
La recommandation A.1I.1 revicnt surcette question :
« Lcs arrangements prćfćrentiels entre pays dćvcloppes et pays cn voic dc dćveloppcmcnt qui se traduisent par une discrimination a 1’cncontre d’autres pays cn voie de dĆYcloppcment ct qui sont indispensables au mainticn et k Paccroissement des recettcs d’cxportation et au progrćs ćconomiquc des pays pcu dćvcloppćs qui cn bćnćficicnt actuellcment devraient etre supprimes au fur et a mesure que seront cffcctivcment appliqućcs des mesures interna-tionalcs assurant a ces pays des avantages au moins ćquivalents. Ces mesures internationales devraicnt Ćtre prises graduellement ct de telle sorte qu’clles entrent cn application avant la fin de la Dćccnnic des Nations Unieś pour le devcloppement (6,s). »
Le point de vuc de la CNUCED sur la question des prćfćrences specialcs repose sur diverscs considćrations. On estime que rexistcncc dc ces arrangements prćfćrentiels est susceptible d’entraver Petablissement d'unc ćconomie mondiale entierement intćgrćc. La situation privilegiee dc certains pays en voie de deve-loppement sur les marchćs dc certains pays developpćs pourrait pousser lcs pays tiers en voie dc dćveloppement a tenter d’obtenir des privilćges exclusifs analogues, dans lcs mćmes pays dćvcloppćs ou dans d’autres. L'cxpćriencc de la dcrnierc dćccnnie lc prouvc amplement. La Convcntion de Yaoundć dc 1963, qui prćvoit des arrangements prćfćrentiels entre la Communautć economique europeenne et les dix-huit pays africains, a incite beaucoup d'autrcs pays africains (par excmple le Nigćria, le Kenya, POuganda, la Tanzanie) a rccherchcr une association analogue avec la Communautć europćcnnc. D’autre part, il scmble qus les pays d’Ameriquc latinc s’orientent de plus cn plus nettement vers Pidee quc, pour ncutraliser toute discrimination k leur ćgard dans lc Marche commun, ils devraient peut-ćtre s’assurer un traitement prćfćrcntiel sur le marche des Etats-Unis d,Amćrique, d’oii scraient cxclus les pays africains associes. Une telle prolifćration d'arrangements prćfćrentiels spćciaux entre groupes de pays pourrait aboutir a une division dc Pćconomie mondiale cn blocs ćconomiqucs rivaux.
Outre lc danger de prolifćration, les prćfćrences spćciales com-portent, comme on Pa vu, la reciprocitć de traitement. II s'ensuit que certains pays dćveloppćs bćnćficicnt d’un acces prćfćrenticl aux marchćs de certains pays en voie de developpcmcnt. La encore, l'cxistencc de prćfćrences dites inverscs peut devenir une incitation de plus a multiplier les arrangements commerciaux verticaux
C2cst cn raison de ces considćrations quc la CNUCED a recommande la suppression progressive des prćfćrences specialcs. II est reconnu toutefois que Pacces prćfćrcntiel est indispcnsablc au maintien ct a Paccroisscmcnt des recettcs d'exportation de certains pays. Aussi a-t-il ćtć dćcidć que Pćlimination progrcssive des prćfćrences spćciales serait subordonnće k Papplication de mesure® internationales assurant des avantages au moins ćquivalcnts aux pays en voic de dćveloppemcnt qui bćneficient desdites prćfćrences<M.
4) Dans le domaine des prćfćrences, un accord dc compromis a ćtć accepte k 1’unanimite k la deuxieme session de la CNUCED, en 1968, ct formulć dans la rćsolution 21 (II). Cette rćsolution a preconisć Pintro-duction d’un systeme generalisć de prćfćrences sans rćci-procitć ni discrimination et a envisagć la nćcessite d’ćliminer progressivement les prćfćrences spćciales.
5) Le Comitć spćcial des prćfćrences cree par la rćsolution 21 (II) en tant qu’organe subsidiaire du Conseil du commerce et du dćveloppement est parvenu a des « conclusions concertćes » sur un systeme gćnćralise dc prćfćrences, et ces conclusions ont ćtć annexćes k la decision 75 (S-IV) adoptee par le Conseil du commerce et du developpement k sa quatriemc session extra-
4114 Ibid. [premiere session], vol. I, Acte finał et rapporf (publica-tion des Nations Unieś, numero de vente : 64.LLB.il), p. 22.
m Ibid., p. 33.
M CNUCED, Research memorandum No. 33/Rcv.l, par. 19 & 27.