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Colons y mais pour 1’instant evoquons encore, apres Dejeux, un autre postulat de Randau qui trouvera son equivalent dans Les Colons, a savoir
de ne pas s’attacher aux modes parisiennes, de faire oeuvre d’initiateurs, de traiter de 1’Algerie pour les Algeriens (c’est-& dire les Franęais d’Algerie, mais aussi dans le contexte de la pensee de Randau, les musulmans arabo-berberes).102
Militant achame pour une autonomie esthetique exprimee dans son manifeste de «L’Algerianisme», dont nous avons deja parle, ancre dans le sol colonial auquel il sera fidele toute sa vie, il decrit des silhouettes indigenes dans le panorama de 1’Algerie coloniale sans pourtant oublier le langage particulier aussi bien des colons que des fellahs et des gens du bied dont il fera une dominantę de son texte.
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Si l’axe principal du texte bertrandien etait fonde sur les deux mots-cles: «le sang» et «la race» qui decidaient souvent des raisons du compor-tement des personnages et parfois les justifiaient, le roman de Robert Randau assaillit le lecteur par sa variete de registres linguistiques et un tourbillon de mots inintelligibles parmi lesquels il serait difFicile de dega-ger des mots-cles. Nous avons ecrit plus haut que 1’auteur des Colons s’opposait aux modes parisiennes ayant pour but de garder 1’Algćrie algerianiste, aussi bien du point de vue esthetique qu’editorial. Ce demier objectif etait ćvidemment difficile a atteindre vu 1’ambition de chaque auteur francophone d’etre edite a Paris. Nous pouvons risquer 1’opinion que 1’idee du separatisme esthetique et regional declaree au nom de la familiarisation du public franęais avec la vraie vie des colons en Algerie, a rendu le texte de Randau etrange et etranger pour le public mćtropolitain peu accoutumć a toutes les sortes de patois et de jargons dont le texte est parseme. Ce roman pense comme etranger, pour un certain lecteur, bien sur, ou la langue est comprise seulement par les habitants franęais de l’Afrique du Nord, ne met evidemment pas en valeur ceux qui sont les plus differents des colons: les indigenes.
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Premićrement, (d’ailleurs tel est 1’objectif de Randau), les colons et les indigenes savent parler la meme langue : le sabir (evidemment pas tous, la plupart des indigenes parlent arabe et a ce moment-la on doit avoir recours a un «khodja» : secretaire, interpróte). Rappelons que d'apres Le
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J. Dćjeux, «Robert Randau», op. cit., p. 97.