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surface dont 1'etendue dćpcnd du moment de la mutation ; plus celle-ci est precoce, plus le secteur colore est large ; plus elle est tardive, plus ii est ćtroit. La mutation peut memc se produirc quand la couche źt aleurone se diffćrencie; Ies division$ y sont anliclinales et le clone de cellules mutees a 1'allure d*un point rouge. On voit que le developpement clonal de 1’albumen va nous permettre de definir des parametres de la mutation : le temps par la surface de la tache, la frćąuence par le nombre de taches, et le type de mutation par la teinte des taches.
Nous disposons maintenant de donnees suffisantes pour analyser le phenotype de grain qui scrvira de base a notre etudc : celui-ci s*appelle phenotype (ou mutation) variable ou instable. La premićre analyse genetiąue dc ce phenotype a ete faite par Rhoadks (1938) : celui-ci a observć dans la descendance d'une planie a\(ai des grains anormaux mouchetćs, c^st-ń-dire presentant des taches pourpres eparpillees sur fond incolore. Dans certaines cellules de 1'albumcn de ces grains, un allele a\ (ou les deux alleles) a (ou ont) mute en A\, donnant des secteurs a aleurone pourpre. Le phenotype mouchetć traduit bien le caractćre de phenotype variable, puisque toutes les cellules ne mutent pas et qu'elles mutent tardivement. Dans la description de ce phenomene, McCltntock attire 1'attention sur le g&ne du loeus a\ qui mute, et qu'elle appelle « loeus mutable», c'est-a-dire apte a muter. Riioades constate ensuite qu'il existe une veritable segregation mendelienne entre grains incolores et grains mouchetćs. II faut donc la prćsence d'un gene appelć dotted (Dt) pour activer la mutation de a\ en A\. Celui-ci a ete situć sur le chromosome 9 (fig. 1), l’absence de Dt est indiąuee par le symbole dt. Nous sommes donc en presence d'un systeme de contróle entre dcux genes : le gfene Dt, sur le chromosome 9, contróle ractivitć du gene a\ mutable, sur le chromosome 3. Un tel systeme n'a ćte bien compris qu'ulterieuremcnt & la lumicre des travaux de McClintock, qui s’est forge son propre materiel et a suivi une dćmarche experimentale originale.
En effet, Barbara McClintock est avant tout une cytogeneticienne du rnajfs. Dc 1930 a 1942 elle a analyse des re-arrangements chromosomiques du genome du mais; elle s'est fait connaitre dans le monde scientifique en montrant qu'une inversion paracentrique pouvait conduire a la formation du chromosome dicentrique (fig. 4, meiose). Car un crossing-over dans la boucle d'inversion relie deux segments de chromatides avec chacun un centromere, aboutissant ainsi a une chromatide dicentrique qui en anaphase formę un pont anaphasique facile a observer. L'exis-tence de ce pont prouve que le chiasma du stade pachytćne est bien le lieu d'echange entre les chromatides homologues. La chcrcheuse continue d;approfondir le compor-tement du chromosome dicentrique. En se rompant a Tanaphase 1, celui-ci donnę deux chromosomes aux extremites cassees. Lors des mitoses polliniąues qui suivent la meiose et lors de celles des cellules de 1'albumen (fig. 4, mitose), les deux chromatides, issues de la duplication, se soudent par leur extremite cassee et redonnent un chromosome dicentrique, et par consequent un nouveau pont ana-phasique. Ce mecanisme cytologique se rćpcte de mitose en mitose. McClintock l'a denomm^ le cycle runture-soudure-pont chromatidique (« breakage-fusion-bridge chromatid cycle », « BFB-cycle »).
Nous rejoignons maintenant notre problćme des loci mutables. Dans ses obser-vations cytologiques, elle met en evidence un phenomene remarquable : dans les mitoses de 1'albumen des grains au phenotype variable, ou dans les meioses des plantes qui porlent des epis dont certains grains ont le phenotype variable, les chromosomes dicentriques s'observent a trbs haute frequence, alors qu'ils sont tres rares ou inexistants dans les grains a phenotype stable. Cette relation entre un fait cytologique et un fait genelique a conduil l'auteur a la comprehension des loci mutables. Nous allons suivre son raisonnement dans sa progression chronologique.