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des peuples et leur puissance. La guerre n’est pas une pure formę, c’csl la formę aclive de 1’organisalion du droit (1). >
QuantaM.lc professeur Heftler, appelelc 3 mars 1873 a adherer a 1’opinion rćdigee le 24 fćvrier par Teminent professeur a rUniversitś de Romę, M. Mancini, en faveur de la constitution d’un senat de publicisles europeens et amćricains, pour 1’ćtude d’un projet relatif a la codi-fication du droit des gens et des arbitrages internatio-nau\, il n’y donna son adhesion que sous la reserve que « tout debat sur la condamnation absolue de la guerre en serait soigneusement ecarte. »
On voit donc que le militarisme n’est pas seulement aujourd’bui en Allemagne un sysleme qui arme et enre-gimente tous les bras, mais une doctrine qui domine une grandę partie des intelligences, et ce second symp-tóme a peut-etre encore plus de gravitć que le premier. Tandis que 1’Allemagne deserle, dans l’ordre philoso-phique, la doctrine par laqueile Kant, s'inspirant des principes de 1’eternelle justice, a caracterisć ce qu’il faul entendre par la moralitć de la guerre et la mora-lile de la paix, la France, au contraire, la recueille et l’honore, et repudie comme indigne de son gćnie na-tional et du progres du temps la maximc professee par Machiavel, lorsqu’il disait: Romę s’accrut des ruines d’Albes; professee egalcment par Voltairc, lorsqu’il
(1) U estjuste de diro que 1'illutre professeur Bluntschli declare, page 10 de la traduction fraucaise de sou ouvrage sur le droit mtemalional codifie, qu’il ne peut cependaut pas se joindre aux brulautes apologłes de la guerre faite par les professeur* Treitschke et Lasson.
declarait dans son dictionnaire philosophique, qu’on ne peut souhaiter du bicn a son pays, sans souhailer du mai a ses voisins; la doctrine enfin vers laquelle incli-nait Rousseau lui-meme, lorsqu’il croyait avec trislesse quc le patriolisme et 1’amour de 1’humanilś etaient deux sentimenls incompatibles.
La philosophie en France a remplacć aujourd’hui celle doctrine de Macbiavel, de Voltaire et de Rousseau, par celle du grand pbilosophe prussien qui, s'appuyani sur la morale ćpuree du christianisme et sur les enseigne-ments de 1’economie politique, condainne, comme eihumee de la sauvageried'un autre £ge cette maiime, qu’entre les nations, c’est sur la ruinę des unes que s’ćlćve la prosperitś des autres, tandis qu’au contraire dans 1’ordre ćconomique, comme dans 1’ordre morał et chretien, lcurs intór^ts sont essenliellement solidaires.
On n’a pas oublie qu’en 1873 le docteur Miles fut delegue par plusieurs socićtes americaines pour par-courir les capitales de TEuropę et etablir des deux cótes de rAtlantique une commune entente sur 1’elaboration d’un codę de droit des gens, ayant notamment pour obiel de consacrer 1’arbitrage pour le reglement des conllits internalionaux. Lorsque, de retour aux Ćlats-Unis, il ful appelś a rendre compte de sa mission A ses concitoyens, il declara que nulle part il n’avait reęu un accueil plus sympathique qu’en France, oii le mouve-ment inlellectuel etail acquis au dóveloppement morał et pacifique de la civilisation.
La France est donc dans la bonne voie; car, dans 1’ordre inlellectuel et philosopbique, c’est cllc qui oflre les meilleures garanties A la cause de la civilisation et