CHRONIQUE INTERNATIONALE 619
l’exigence de qualite de la loi. I! faut lirę les arrets Kruslin et Huvig a la Iumiere des arrets precedents de la Cour europeenne : Klass c/ Republiąue fśderale d’Allemagne (non-violation), Malone c/ Royaume-Uni (violation). C’est 1’ensemble qui constitue la position de la Cour et Pinterpretation de la Convention europeenne des droits de Phomme.
Egalement, la Cour ne reconnait pas au corpus jurisprudentiel une qualite suffisante pour repondre a toutes les garanties requises. Certes Pappreciation n’est pas globale pour tous les cas. On peut concevoir une approche jurisprudentielle qui, en fonction du cas d’espece et ulterieurement au stade de la cassation, pourrait dans la confronta-tion des ordonnances, des proces-verbaux et des garanties constituer un corpus repondant aux criteres de qualite.
En Petat des especes Kruslin et Huvig, la Cour a retenu la motivation suivante qui est a rapprocher des affaires Klass et Malone pour mieux percevoir les criteres cate-goriels que loi et jurisprudence peuvent retenir par rapport aux incriminations et per-sonnes. II sera interessant de comparer cette motivation avec les suggestions du Rapport de la Commission presidee par M. le Premier president R. Schmelck, si celui-ci est publie ainsi qu’aux pratiques de la justice luxembourgeoise.
Pour la doctrine, Parret de la Cour (§ 20 a 22) fait un recensement des decisions des cours franęaises, notamment d’arrets encore inedits au jour de la lecture des arrets Kruslin et Huvig, qui sera utile pour faciliter les recherches et commentaires.
II est interessant de noter que la decision de la Cour a ete rendue a Punanimite des membres de la chambre. La Cour n’a pas suivi la Commission dans son raisonnement (§51 a 52, 65 et 66 de son rapport), concluant a ce que la mesure incriminee au sens de Particie 8-2 n’etait pas « prevue par la loi ». II est a noter egalement que la Cour europeenne n’a accorde aucun dommage-interet aux requ6rants Kruslin et Huvig au titre de Particie 50 de la Convention.
L’analyse des deux arrets repose sur la partie « en droit » qui est quasi identiąue dans Kruslin et dans Huvig. Au-dela des deux cas d’espece, on peut considerer que la serie des arrets de la Cour europeenne concemant les ecoutes foumit aux legisla-teurs et aux juges les bases d’une meilleure adequation du regime des preuves au ser-vice d’une politique criminelle efficace. II faut aussi rapprocher ces arrets de ceux traitants de la prirncy par rapport aux fichiers manuels et informatises {Leander, Gaskin). Le stockage des bandes ne saurait faire 1’objet d’un traitement informatique, il est destine au contróle par le juge.
Les arrets Kruslin et Huvig sont une stimulation pour les juges nationaux. Le concept de « subsidiarite » de la Convention europeenne leur laisse une grandę initia-tive et une priorite chronologique d’application. Ils peuvent donc s’efForcer d’assurer l’adequation necessaire.
Lorsque la Cour utilise le mot « loi », elle le fait dans le sens rappele par les arrets Kruslin et Huvig, partie en droit. II y a donc pour elle une equivadence entre loi et corpus jurisprudentiel pour repondre a Pexigence « prevu par la loi ».
La question des ecoutes a tenu une place importante en doctrine car elle etait lieu de confrontations sur le regime des preuves et de reflexions sur la poiitique criminelle. Elle a ete parfois occultee parce que la menace des divers moyens d’interception par des organismes prives clandestins se revelait plus proche et perilleuse. Apres une periode de condamnation doctrinale, Putilisation judiciaire en droit commun suscitait moins de reserves. Mais Paugmentation des ecoutes, leur autorisation dans des proce-dures de caractere mineur, la tendance a considerer qu’il s’agissait la d’un moyen commode de reunion de preuves ont reveille les inquietudes. A partir de 1981, et de 1’acceptation du recours individuel pour la France dans le champ d’application de la Convention europeenne des droits de Phomme, le probleme devenait plus brulant.
Rfv. sciencecrim. (3), juill.-sept. 1990