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lumiere». La diversite des ouvrages, surtout theologiques et parfois tres disparates, dans la bibliotheque de Cassard fait penser a une sorte d'oe-cumenisme religieux souhaite dans un pays islamique ou la diversite des races liće a la diversite culturelle et religieuse est comprise comme le fondement d'une societe nouvelle. Bień que 1'auteur n'ćnonce jamais dans son roman 1’idee de la puissance de l'Islam, cette thematique brulante en Afrique du Nord surgit plusieurs fois dans le roman et tous les non-dits concemant ce probleme ne sont pas moins signifiants. La description des ouvrages religieux qui appartiennent k Cassard sert de prćtexte pour presenter des opinions religieuses extremes dans la societe algerienne; ce regard tolerant vis-a-vis des croyances de 1'autre a ete presente dans l'ou-vrage Precis depolitiąue musulmane de Randau publie a Alger en 1906 :
Pour Randau [...], le grand principe a appliquer est de “faire evoluer un peuple dans sa civilisation propre avant de 1'entrainer dans la nótre”. Et avant d'assumer la tache de guider des indigenes “faut-il connaitre profon-dement leur etat social, leur langue, leurs us et coutumes”. Linteret econo-
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mique de la nation doit, en efifet, devenir “1'interet personnel de 1’indigene”.'
Cassard remplit cette fonction de guide que !'on nommait autrefois la mission civilisatrice (qUi cachait parfois des idees peu nobles), et a l'epo-que de Randau a ete designće du terme de «colonocentrisme eclaire» enrichi de connotations humanitaires, d'ou cet interet porte a autrui, surtout aux indigćnes, a leur statut social, leur religion, leur coutume. Randau ne conteste jamais le fait colonial, au contraire, son roman Les Colons est un temoignage de la presence d'une communaute assez differenciee a la recherche de sa propre identitó : la description de la lutte de Jos Lavieux contrę les criquets est le symbole du travail dur du colon franęais qui malgre toutes sortes d'obstacles arrive a les vaincre. La description de cette lutte a tous les traits d'une description mimetique, fidele au vrai, prćsentee en termes hyperboliques :
L'assaut des betes est furieux; la colonne est encadree de bandes de fellahs qui la contraignent, en frappant le sol avec des ramees et en agitant les bur-nous, de ne pas s'ecarter de sa route. Les insectes refluent au pied des ap-pareils cypriotes, les escaladent, ne peuvent se maintenir sur la bordure en toile ciree, tombent, grouillent dans les fosses qu'ils comblent en un clin d'oeil et ou ils meurent arroses d'huiles lourdes; puis la terre, a grandes pel-letees est rejetee dans le trou. [...] Jos ne se desespere pas, ne crie pas
M5 Ibid., p. 50.
384 J. Dćjeux, «Robert Randau», op. cit., p. 94.