143
iiere de 1'action est genee en pays arabe par 1'idealisme religieux, lui-meme passablement deplume par les exigences de la production. La France est-elle installee au Maroc pour faire rćgner ses principes de liberte et de justice ou poiir le profit de quelques groupes d^ffaires?407
Dans cet etat de choses, il n'est pas etonnant que Montherlant se decide a publier son roman integralement en juin 1967. En mai 1934, donc deux ans apres la redaction de son livre,
Montherlant se fćlicite d'avoir renonce a publier La Rosę de Sabie. En quel-ques semaines, l'Afrique du Nord est devenue un ocean. Les paysans europeens ou musulmans ruines par la crise vendent leurs terres, parfois on les leur confisque pour dettes. Les revenus agricoles sont au plus bas. A Alger, le gouverneur genćral Carde est “brocarde”; la presse indigene le surnomme “Carde chiourme”. Les foules manifestent, les elus musulmans quittent les assemblćes locales tant que n'aura pas ete double le nombre de leurs representants. [...] II y avait la haine des Arabes pour les Franęais, la haine du Franęais pour 1'Arabe et enfin la haine de Montherlant pour La Rosę dont il ne voit plus 1'utilite. [...] C'est seulement en 1938, craignant la guerre et ses destructions, que Montherlant se decidera a faire imprimer La Rosę de Sabie a compte d'auteur. II en fera tirer soixante-cinq exemplai-res, dispersćs chez des amis en France, en Angleterre et en Afrique du Nord. Le livre a paru dans cette edition sous le titre Mission providentielle; il est signć d'un nom d'emprunt: Franęois Lazerge.408
v
II est evident que le livre de Montherlant reste tellement empetre dans la politique par son message anticolonialiste surtout, que Pauteur, re-sponsable et prevoyant, refuse de le publier dans les annćes trente, sauf quelques dizaines d'exemplaires rćserves a ses amis. Ces cironstances qui accompagnent la non-publication du roman s'averent non moins revelatri-ces que le livre lui-meme car elles indiquent visiblement que certains non-dits ne sont pas aleatoires, mais sont guides par les ćvenements politiques ou par des imperatifs ćthiques ou intellectuels.
Dans la nouvelle Le Rendez-Vous de Colette, on observe la meme tendance que dans le roman de Montherlant a recourir plutót aux dialo-gues (entre les protagonistes franęais prćsentes dans cet ouvrage) qu'aux descriptions pour mettre en relief de faęon directe et parfois amere les rapports compliques entre les Franęais et les autochtones au Maroc sous le protectorat franęais. Ainsi, on n'accentue pas la problćmatique qui entre-rait dans Pimmense domaine de Panthropologie culturelle; ce qui semble
407 P. Sipriot, Montherlant sans masque, R. Laffont, 1990, p. 27. Ibid., pp. 38-39.