— 126 —
Dimanchc 23. — Maric-Anne a ćtć i Lesneven ; maman et mes saeurs se portent bicn, inais le pauvre M. Duplcssis est en prison depuis hier, ainsi que sa cuisiniere. 11 deniamla a M. du Couedic la permission d’aller passer deux jours ix sa campagnc. Du Couedic la lui refusa. « He bicn, rćpondit M. Duplcssis, en le saluant jusqu’a terre, je suis rjuittc d’un remercie-ment. » « Vous parlez bien insolcmment *, repliqua 1’autre, et apres quelques injures, il renvoya M. Du-plessis du district ; et un moment apres lui-mtme et ses agents firent fairc une fouillc chez ce M on sic u r, pendant laquelle M. de Kcrvcatou, son beau-frćre, fut mis en arrestation dans une chambre. Et la fouille faite, M. Duplcssis fut mene en prison- La cuisiniere prenant de 1’humeur dc tout cela, montra ironique-ment ii du Couedic une petite armoire en disant : c Tenez, citoyens, voici une chose que vous n'avcz pas encore cisitee ». '« Ah ! ah ! dit Pa utrę : Vous faites 1’insolcnte : menez-moi cette p... en prison parmi les mauvaises fllles. * On Py mena en elTet : inais le soir on la separa de cette ngrćable conipagnie.
Jcudi 27. — Les papiers annoncent rexecution de douzc Bretons et Bretonncs, des vingt-huit qui avaient etć menes a Paris pour accusation d’un projet de contrc-rćvolution conęu par M. dc la Bouarie. On dit que ces illustres et innoccnles victimes du plus odieux despotisme ont nić toutes les accusations intentćes contrę elles : quoiqu'iI en soit, elles ont ete guilloti-nees le 19 Juin a Paris. Voici leurs noms, et cc qu'ćcrit le Redacteur des Annales de la Rćpuhlique Franęaise (numero 171).
Jeudi. 20 Juin : Yoici les uoms des douze personnes qui ont ćte guillotinćcs hier comme ayant participć il la conspiration de la Bouarie : de la Motte de la Guyo-marais ; Marie-Jeanne Macaut, son ćpouse ; Maurice et Casimir de la Motte de la Guyomarais ; ses fllles ;
MichcI-Julien-Alain Picot We Sinioelan ; Angćliquo-Franęoise Desilles, epouse de Jean Holland de la Fou-chais. ćmigre ; Nicolas Thomazeau, p£re ; Therese Le Moelicn ; Jean-Baptiste-Georges Fontcvieux, dit le Petin ; Louis-Annc du Pontavice ; Georges-Julien de ?~aunaygrain ; Ville de la Motte. — Nous avons vu passer ce convoi vivant encore. On n'aurait pas dit que ceux qui le composaient allaient au supplice : ils eon-versaient ensemble d*un air riant et paisible ; ils saluaient les personnes dc leur connaissance qui sc trouvaient sur leur passage. L’un d’eux, voyant un de ses amis lui cria : « Adieu, mon ami, je ni’en vais la-haut ». Madame dc la Guyoinarais surtout, et ses deux fil les ont montre un courage au-dessus de leur sexe. Une dc ces dernićres ćtanl agee de dix-huit ans, tira, lorsqu’elle fut arrivćc au lieu du supplice, sa montre; et apr&s avoir regarde l'heuro, la donna i un de ses domestiqucs qui l*avait accompagnee. Tous conserve-rent un uir tranquille et menie riant jusqu*au fatal moment oii la hache sćpara leur Ute dc leur corps. Quelques-uns sont morts en criant : Vive le Roi ! l’n peuple immense assistait a cette cxćcution, et criait : Vive la Rćpublique ! Plusieurs spectateurs indignćs de voir ces malheureux rire aux approches de la mort, criaient : « Est-il po*sible de pousser la sceleratesse jus(ju’a affecter, dans un moment si terrible, une joie et une fermete qui ne peuvent convenir qu*ft la bonne cause ». — Oui, nionstres, cette joie, cette feriuetć qui brillent sur le front, ne sont que le tómolgnage d’une bonne conscience, et de la certitude d’avoir rempli ses devoirs : de la bonne cause enfin. Voila pourquoi tous ces aristocrates que votre ragę insensće traine sur 1’echafaud, voila pourquoi, dis-je, ils sont tranquillcs et riants, m£mc aux approches de la mort ; voili pour-quoi, loin dc se rćpandre en injures contrę votrc injustice, ils plaignent votre aveuglement.