3(34 SA1NTK-ANNE DAUBAY
Toutefois, comme on nc pouvait le laisser seul, sa mfcre et sa sceur se dćciddrent & Taccompagner.
Les trois p^lerinsse mirent en route une dizaine de jours avant la fóte du 26 juillet. Ils allaient k petites journćes. faisant tout au plus une lieue par jour. La sceur se tenait toujours k cótć de 1’infirme pour le garer de tous les accidents; la mkrc mendiait k droite et k gauche dans les fermes, sollicitant tour k tour leglte*et la nourriture, apitoyant les gens sur le sort de son flis, « perclus dcpuis 1’Age de neuf ans, et qui s'ćtait mis en tóte de se fairegućrir par la bonne móre sainte Annę. »
A la fin de la semaine, ils atteignirent enfin le vil-lage bćni ; c’ćtait le 23 juillet, trois jours avant la solcnnitć.
Pendant son sćjour h Salntc-Anne, on ne vit pas Franęois Talhouet prendre place parmi les misćreux qui encombrnient les abords du village: il se com-porta uniquement en pólerin. S’il nentra pas dans la chapclle oii son infirmitć l’exposait au danger d’ćtre ćcrasć, s'il ne put se laver a la fontaine sanscesse assić-gće par les pćlerins, il assista du moins, le dimanche, le lundi, le mardi jour de la fćte, k la grand-messe et aux v6pres qui se chantaięnt en plein air. Pendant ce temps la m6re et la sceur demandaient 1'aumóne. Toute son attention k lui se portait vers la Sainte. II avait hńte que la foule s'ścoulAt pour qu’il lui fdt pos-sible d’aller lui-m£me prier devant 1'image miracu-leuse. Mais s’il n’avait pu encore pćnćtrer jusqu'& elle, la Sainte avait dćj& discernć au milicu des autres pi*le-rins ce pauvre infirme qui venait vers elle avec tant de confiance. V
Enfin, le lendemain de la f£te, dans laprós-midi du mercredi, le voi!ó devant 1’autel de la dćvotion, 0C1 sa móre l’avait conduit.
Dans la matinće il s'ćtait confessć, il avait coinmunić, sentant comme d instinct que sa demande serait plus favorab!ement accueillie, s’il la faisait avec une cons-cience purifiśe. Et maintenant, les yeux obstinement fixćs sur 1’image, il priait de toute son Amc. « O bonne mfcre sainte Annę, disait-il, ayez pitić de ma misóre, gućrissez-moi ». Tout k coup rimage miraculcuse lui apparut entourće d’une grandę lumifere ; et, aussitót aprós, comme suitę k ce premier prodige, il ressentit une chaleur pćnćtrer dans ses membres qui avaient jusque-ló le froid de la mort. II ćomprit, A ces signes, que sainte Annę intervenait en sa faveur, et sa confiance redoubla. Toutefois aucune amelioration ne s’ćtait manifestće.
Alors il sempressa daller comme il put vers la fon-taine, od sopórent d'habitude les gudrisons.
A peine a-t-il bu un peu deau, k peine a-t-il fric-tionnć ses membres malades, que, semblable k 1'estro-pić dont un" guórisseur s’efforcerait de remetlre un membre en place, il óprouve une soufTrance intolćrable: les os craquent, les muscles se dćtendent; et une chaleur si brillante se rćpand dans tout son corps, qu’il se rcjette par deux fois de c6tć en poussant des cris de douleur. * .
Mais la gućrison se fait toujours attendre.
II tralne k la chapelle, et se pose de nouveau devant la statuę. La prióre continue, les soufTrances aussi. Son organisme est tellement bouleverse qu’un dćvoiement intestinal Toblige de sortir. Arrivćau portail, ils'affale sur les marches. A la vue de ces convulsions, des pdle-rins charitables se prćsentent pour lui venir en aide. — « Qu’avez-vous ? » lui de mandent-ils. II repond : « Jesouffrele martyre dans les genoux ». Un d’entre eux le prit par les aisselles, un autre lui frotta les genoux, sićge du mai ; et bientót une de ses jambes s etire en rompant une « collection » purulente et prcnd sa position normale. Le cul-de-jatte se redresse, et, pour la premióre fois depuis neuf ans, il se tient debout. Toutefois, 1’autre jambe lui refusant encore le service, ce ne fut qu*avec l*appui de ces personnes charitablest qu’il put se rendre au cloitre.
L&, on lui proposa quelque nourriture. Et, en dćpi-