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occidentale franęaise avait ćtć ćtudiće « moins et plus mai que toutes les autres rćgions1* ». Dans ses ouvrages ultćrieurs, I. I. Potekhine tenta donc d’accorder aux colonies franęaises l’attention qu’elles meritaient rćellement et, dans plusieurs ouvrages du dćbut des annćes 196015, il traita des problćmes de l’Afrique occidentale sous administration franęaise. A noter, tout parti-culierement, Fanalyse pćnćtrante qu’il fit de la « nćgritude », de sa genćse et de son ćvolution.
Comme il a dćj& ćtć dit, on avait beaucoup ćcrit, en urss, sur le panafri-canisme et le pannegrisme, mais il n’y avait rien eu sur la nćgritude en gćnćral en tant que concept sociopolitique nć dans les annćes trente. Potekhine fut le premier specialiste sovićtique i penser que la « nćgritude » devait etre interprćtće comme un tardif avatar du mouvement pannćgre mondial de la fin du xixe et du dćbut du xxe sićcle. II montra la faęon dont la nćgritude s’ćtait developpće en tant que tentative des intellectuels africains francophones de reconqućrir les droits de l’homme pour les Africains1*. C’ćtait k son avis « une protestation contrę la politique imperialistę d’assimilation et d’ćtouf-fement de la culture africaine17 ». Mais il mit aussi en ćvidence la contra-diction interne de la nćgritude, mouvement k la fois Ićgitime (visant a redonner a la race noire sa dignitć) et rćactionnaire (opposant la race blanche a la race noire, ce qui est dangereux pour le progrćs des peuples noirs eux-memes).
D. A. Olderogge, le plus ancien africaniste sovietique, apporta une contribution importante a 1’ćtude de la nćgritude : il fut le premier a ćtudier le creuset dans lequel etait nć ce mouvement. II analysa en effet le climat spirituel de l’ćpoque, dćsigna les predćcesseurs africains de Leopold Sćdar Senghor et d’Aimć Cćsaire, dćtermina dans quelle mesure ceux-ci avaient ćtć influences par les penseurs de FEurope occidentale — Freud, Sartre, Frobenius et Delafosse. Guidć par les principes de la methode historique, D. A. Olderogge accomplit ce que Fon pourrait appeler la demystification de la nćgritude. II montra le caractere peu scientifique de cette conception, qu’il considćrait, a juste titre, uniquement comme « une idee assez fumeuse de Fessence et des caracteris-tiques de la culture des peuples de FAfrique tropicale, qui trouva son expression
14. Voir la prćface d’I. I. Potekhine au livre de G. E. Skorov, Frantsuzskij imperializm z
Zapadno] Afrike (L’impćrialisme franęais en Afrique de l’Ouest), Moscou, 1956, p. 4.
15. Voir I. I. Potekhine, Afrika smotrit v buduchtchee (L’Afrique regarde l’avenir), Moscou,
1960 ; 1’introduction de Potekhine au livre de Jean Suret-Canale, Afrika Zapadnajai Tsentralnaja. Geografija, Tsmlizacija, Istorija, Moscou, 1961 ; 1. I. Potekhine, <c Osnovnye problemy istorii narodov Afriki » (Principaux problśmes de 1’histoire des peuples d’Afrique), Communist, 1961, n° 12, p. 99-109; I. I. Potekhine, « Study of African history: present State and the main tasks », dans : African Problems, Moscou, 1968, p. 122-142.
16. 1.1. Potekhine, Afrika smotrit v buduscee, op. cit., p. 77.
17. I. I. Potekhine, « Panafrikanizm i borba dvuh ideologij » (Le panafricanisme et la lutte
des deux idćologies), Communist, n° 1, p. 108.