LE NOUVEAU ROMAN: FAUSSE AVANT-GARDĘ MAIS VRAI MIROIR
D’UNE SOCIETE REIFIEE
»On a beaucoup narlć de nrobUmes technique$ h pronos des romans de Robbe-Grillet. Peut-etre est-il temps de parler de leur signification*.
Structures Men! aleś et Cr kation Culturelle - p. 187
»On n’y trouve mSme pas ćbauchće (dans Les Gom-mes) la oossibilitć. ciue cet univers refuse et nie. d’un autre monde dans lequel des forces tout aussi nuis-santes nouvaient s’attacher a conduire les Dupont non pas £ la mort mais A la vie, et meme i une vie plus authentique et plus riche«.
Marxisme et Sciences Humaines
- p. 52-53
Pour comprendre 1’apparition du »Nouveau Roman*, selon Gold-mann il faudrait pouvoir suivre l’evolution de la litterature europeenne denuis Kafka. A partir de Kafka en effet le contenu essentiel de la litterature - denominateur commun de toutes les oeuvres les plus im-portantes - est constitue par 1’absence:
»Absence de quoi? De 1’essentiel, absence de tout ce qui pour-rait etre important pour la vie et l’existence des hommes. Ce theme, sous des formes differentes et sans qu’il soit au centre meme des ceuvres, est d’ailleurs ancien, et toute 1’histoire de la culture occidentale du XXe siacie, ne saurait etre ecrite d’un point de vue scientifique tant qu’on n’aura pas entrepris une etude genetique des differentes modalites prises par le theme de 1’absence et de son conditionnement psycho-sociologique«.52
Dans son contexte le plus generał, 1’apparition du Nouveau Roman pose le probleme de la structure meme de 1’histoire: sommes-nous par-venus a une etape transitoire ou bien a une sorte de fin de 1’histoire? En fait, Goldmann pose a propos du Nouveau Roman les memes ques-tions que Marcuse dans YHomme unidimensionel: II s’agit de savoir si la societe moderne parvient a creer »un cadre social a tendance universelle a 1’interieur duquel un progres technique rapide doublć d un progres materiel plus ou moins generalise pourrait etre realise qui reduirait a neant les relations qualitałives entre les hommes autant qu’entre les hommes et la naturę, relations qui etaient le facteur prin-cipal de la transformation sociale dans les societes anterieures«.53 C’est dans ce contexte que 1’apparition du Nouveau Roman constitue un phenomene, non seulement litteraire mais social, important: il reflete 1 incapacite de formuler ou meme d’apercevoir des valeurs acceptables au nom desquelles une critique de la societe soit possible. Aussi, l’an-goisse devant 1’absurdite du monde devient-elle une categorie fonda-mentale de la litterature moderne, de Kierkegaard a Kafka, en passant
« S. M. p. 180. 15 S. M. p. 184.
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