tique est la realisation imaginaire dans la fascination et la haine. Sc meprisant et se haissant elles-memes, pleines de haine pour Madame et iascinees par elle, c’est le rituel qu’elles jouent sans cesse qui donnę un sens a leur vie et elles ne pourront vaincre la marionnette qui est Madame, quand aliant vers la mort et la prison:
»L’ouvrage est une piece statiquement dialectique du dćses-poir. En interiorisant 1’opposition qui lui parait encore insur-montable entre domines et dominants, Genet, 1’outsider non con-formiste, est devenu un pessimiste radical pour lequel l’art et 1’apparence peuvent seuls constituer une compensation esthetiquc a une realite mensongere et insuliisante. Sa perspective, a la tois classique et desesperee, pourrait etre condensee par la para-phrase d’un vers celebre de Goethe »c’est dans 1’apparence som-bre que nous avons la vie«.61
II faudra attendre Le Balcon pour voir la realite sociale et politique integree au theatre de Genet. G est toujours la meme maison d niu-sions qui nous est presentee, cette societe de petites gens jouant triste-ment avec la realisation de leurs reves. Tout a ulong des scenes qui nous sont presentees surgissent dans une etonnante beaute les lois łon-damentaies de i’univers poetique de Genet. Les dominants ne peuvent exister dans les domines, le quge ne peut exister par la voleuse qu’il condamne et l’esclave sans la maitresse qui le fouette. Mais on ap-prend bientót qu’une revolte a eclate dans la maison des lllusions. Gomme 1’ecrit Goldmann:
»La lutte des revoltes contrę le balcon constitue une lutte entre la mort et la vie, entre 1’ordre a 1’interieur duquel les valeurs n’existent que dans 1’imaginaire et le rituel, et la tentative dc creer un ordre nouveau dans lequel ces valeurs penetreraient la vie elle-meme et dans lequel la fuite dans 1’imaginaire ne se-rait plus necessaire, parce que la vie serait devenue authen-tique«.02
Mais la revolte sera elle-meme condamnee parce qu’elle s’est divi-sće en deux fractions antagonistes. L’une s’en va vers la liberte et 1’imaginaire alors que 1’autre s’organise de maniere desesperee et re-pressive. C’est encore le desespoir qui 1’emporte mais desormais la realite sociale est entree dans le theatre de Genet avec son angoissante complexitć,
Une autre etape decisive sera franchie dans Les Negres. II ne s’agit plus d’une synth^se de haine et de fascination comme dans les Bonnes mais de la haine des Blancs comme sentiment authentique et vrai. Goldmann a tente d’elucider la perspective dans laquellc les Bonnes, le Balcon, Les Negres avaient ćtć ecrits. S’agit-il d’une perspective individuelle - celle de Genet, delinquant, homosexuel et poete - ou de la vision du monde d’un groupe social donnę? Goldmann emet l’hy-poth^se suivante:
•' S. M. p. 315. « S. M. p. 317.
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