Tandis que dans lc capitalisme il est certain que la classe au pou-voir se trouve du cóte opposć de la classe ouvri£re, dans notre societe cela est moins certain. Un sujet du conflit, les travailleurs, est certain, le deuxi£me est recouvert de conscience mythologique, il est pour ainsi dire invisible.8 Aussi longtemps qu’il aura 6te incertain contrę qui les travailleurs font la gr£ve, survivra 1’assertion, absurde d’ail-leurs, selon laquelle les travailleurs font la gr£ve contrę eux-memes, ce qui pourrait etre vrai autant que si nous affirmions que la classe ouvri£re est la premierę classe au pouvoir dans 1’histoire qui abandon-ne volontairement le pouvoir - pour s’en aller dans 1’emigration 6co-nomique.
II est interessant a noter que les gr£ves se declarent peu apres le premier, et jusqu’^ present l’unique Congres des conseils ouvriers (25-27 juin 1957). Apres une »elaboration« institutionnelle de 1’autoges-tion pendant sept ans, cest seulement apres ce congres que lon an-nonce 1’orientation vers le renforcement de la base matćrielle de 1’autogestion. En consćquence, Ton serait en droit de supposer que les gr£ves sont les symptomes de la naissance spontanee d’un mouvement ouvrier autogestionnaire et une formę de lutte contrę ceux qui frei-nent son essor. Cest ce qui est corrobore par des cas de plus en plus rependus d’auto-organisation des grćvistes (comite de gr£ve, rćunions ouvri£res, auto-assistance).
Les gr£ves restent d’habitude dans 1’antichambre du regime et n’ont pas un impact social plus serieux (paiement des remunćrations ou leur majoration). L’eloignement des instruments du pouvoir (organes d’Etat, du parti, syndicaux, et institutions culturelles et educatives) et sans part plus importante dans la plus value et d’influence sur sa re-partition, ne permettent pas que les rapports sociaux soient changćs sous 1’influence organisee de la classe ouvri£re. Elle demeure exploi-tee, dans une position de salariat.4 Cette tendance se manifeste assez fortement dans un nombre croissant de gr£ves qui debordent les ca-dres des organisations de travail (Kopar, Rijeka, Split, Ljubljana, etc.).
Ces quelques derni^res annees on est temoin de plus en plus fre-quemment des gr^ves auxquelles participe aussi une partie de l’intel-ligentzia, pour 1’essentiel des etudiants et des enseignants, ce qui si-gnale que cette couche sociale est, elle aussi, pour une bonne part, dans une position de salariat.
* La dissimulation du caractirc dc classe du pouvoir dans la socićtć contcmpo-rainc est un phenomćne generał d’adaptation du systime bourgeois aux »nouvelles circonstances«. La politocratie se comporte comme la bourgeoisie contemporainc, pour laquelle R. Barthes dit (dans Mythologies, Seuil, 1957) qu,elle se dćtermine dans la socićtć contemporaine (»anonymc«) en tant que »classc sociale qui ne veut pas ćtre nommće«.
f Pour une cxplication plus dćtaillće dc cette attitude, voir: N. Popov, Śtrajkovi u scruremenom jugoslovenskom drustvu (Les grćvcs dans la socićtć yougoslavc contemporaine), Sodologija, Beograd, 1969, n. 4, ou la traduction en allemand o/m s in der gegenwdrtigen jugoslawischen Gesellschaft, Praxis, revue philosophique, Z.a-
greb n. 3/4, 1970.
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