La tecbnique picturale des Primitłfs flamands et de van Eyck en particulier n est certainement pas la dćtrempe. Jusąu a prćsent. les analyscs microcbimiques effectućes sur la pellicule du liant n ont pas rćvćlć les caractćristiqucs d’une ćmulsion. Comme, d autre part, la prćsence d unc Kuile siccative (avec ou sans addition d'une autre substance) a ćtć dćtcrminće avec suflisamment de prćcision. on peut affirmer que les Primitifs flamands ont pcint & 1‘huile. Dans le cas prćcis de 1 Agneau Mystique, cette rćgle gćnćralc n’a ćtć infirmće que pour deux (trois) coucbes ou sous-coucbes (bleus : Fig. 3, p. 70 : 3° p. 71 : ćcoinęoins, p. 100 ; Iettres noires originalcs sous la contremarcbe : PI. XVIII, 4) peintes h la dćtrempe, soit au liant aqueux. Ce nieme liant aqueux agglutine les particules de noir d’os (noir d'ivoire) caractćrisecs comme ćtant des traces du dessin (Pb LX11, 4 et p. 119). Peut-ćtre faut-il voir lorigine de la tbeorie allcmande de la techniąue rnixte (Miscbtechnik, mixed tecbnique) basćc sur 1'emploi, dans un mćme tableau du XV° siecle flamand. de liants appartenant a des groupcs diffćrents (buile et dćtrempe p.e.). A titre de rappel, signalons que la Juminosite des couleurs est la consćquence de la superposition raisonnće de glacis et de coucbes plus ou moins translucides, qui rćflćcbissent la lumierc sur un fond lisse et opaque, blanc (blanc de plomb, craie de la prćparation) ou colorć (vermillon, par exemple).
Dans le corps du volume, nous mentionnons souvent des additions, moins frćquemment des cbangements de composition. Nous entendons par la des modifications apportćes & la formę de certains dćtails rcprćscntćs. Cependant, le mot addition (addition) suppose que la modification a ćtć apportće par un restaurateur. tandis que le termc changement de composition (change in composition) sous-entend une modification dc la main mćme du maitre. Lorsqu’un ebangement de composition „transpara!t,,f devient donc yisible, on parle de repentir (pentimento) (p.e. Pb XXVI et LX).
3. ETAT DU TABLEAU
Lćtat original du tableau se modifie au cours des sićcles, a la suitę du vieillissemcnt normal de l’oeuvre et daccidents ou de maladies. Suivant le cas considćrć, on utilisera le termę alteration, deteńoration, desagregation, dógradation ou degót.
La coucbe de protection, surtout si ellc contient de 1 buile, jaunit ou brunit (jaunissement, discolouring) rapidcment et se couvre de crasse (grimc). Parfaitemcnt ćlastique et transparente & l origine, ellc devient rapidement plus cassante. Surtout sous Iinfluencc de Ibumiditć, d innombrables fissures microscopiqucs apparaissent & sa surface : le vernis devient mat et pulvćrulcnt. D aprćs le degrć d alteration, on parle de blcutó (blooming, clouding) ou dc chancis (crazing) (Pb L1X et LXIV). Signalons que nous avons dćterminć la prćsence, & TAgncau Mystique, dc vemis leintes (tinted varnisb) (Pb XXlVbis et p. 99) que l’on identifie avec les „jus” (jutage : terme d atelier).
En parlant des dćgradations de la coucbe picturale, ii est difficilc d omettre le róle nćfaste dc 1'bomme, probablement le pirc cnnemi des ceuvres d art. Celui-ci se laisse trop souvent influencer par son savoir et son savoir-faire et oublie qu ii n est que le serviteur des oeuvres magnifiques que le passć nous a Ićgućes.
Songcant & 1’Agneau Mystique, nous ne pouyons passer sous silcnce les tres nombreuses usures (wearing) dc la coucbe picturale originale dont une partie, souvent la plus intćressante, a disparu, soit par laction des soIvants, soit par laction combinćc de ceux-ci et du frottement mćcanique. La dćgradation de la coucbe picturale est fortement favorisćc par la dcssication naturelle du liant qui provoque I apparition de craquelurcs et par l action de I bumiditć qui se glisse dans ces fentes, souleye Icurs bords, provoque des ćcaillages et dćcolle les coucbes les unes des autres. On distingue genćralement deux sortes dc craquelures : les craquelures d’Age et les craquelures prćmaturćes. Les craąuelures prómaturóes (youtb cracklc) sont la rćsultante d unc mauvaise tccbnique picturale ou de 1’emploi de matćriaux non adćquats. Elles n ont guerc de profondeur, affectent les formes les plus diverses et yarient notablement en ćpaisseur (Pb VII. 3 et XIV, 2). Les craąuelures d &ge (age crackle) (Pb XI, 1 et L) sont une consćquence directe du yieillissement normal du tableau : des que la coucbe picturale et la prćparation deviennent suffisamment dures, elles perdent de leur ćlasticite et sont dorćnavant incapables dc suivre les mouvements incessants dc dilatation et de contraction qui leur sont imposćs par le support. Ces coucbes se rompent suiyant la yerticale, jusqu’au support (Pb LXII, 4). Lbumiditć s'infiltre ensuite dans ces fentes, jusqu’& Yócaillage (flaking) dc la coulcur. Elle peut ćgalemcnt provoquer ileś decollagcs (cliuage, cleavage) (Pb XXIII, 2) entre deux coucbes picturales ou entre celles-ci et la prćparation. Un exemple particulier de ce souleyement est la boursouflure (blister). Lorsque la coulcur s ćcaille et que des parcellcs sen dćtacbent, elle laisse des lacunes (loss).
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