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L’emploi de presents
Le don est one regle universelle des societes primitives dont Marcel Mauss a propose une interessante description dans son fameux ouvrage Sociologie et anthropologie. Selon lui, la pratiąue du don fonctionne selon trois obligadons : obligation de donner, obligation de recevoir et obligation de rendre. Refuser de donner et de prendre, c’est refiiser 1’alliance et la communion, ce qui equivaut a declarer la guerre67. De plus, selon la mentalite autochtone, accepter quelque chose de quelqu*un, c’est accepter une partie de son essence spirituelle, de son ame. L’esprit du don doit revenir sous une formę ou sous une autre a son « foyer d’origine », car 1'absence de reciprocite pourrait avoir des consequences facheuses, sinon mortelles68. A l’epoque prehistorique, le don constitue l*un des fondements de la societe et joue un role Capital dans les relations sociales. Au dire de Mauss, «les presents scellent le mariage, forment une parente entre les deux couples de parents »69.
Dans les societes amerindiennes, le don non seulement etablit des liens amicaux entre les membres d’une meme communaute, mais est egalement au cceur d'un veritable reseau de redistribution des biens (lors des festins et des rites, par exemple) qui assure une certaine egalite entre ses membres. De plus, etant donnę 1’absence de pouvoir coercitif dans ces societes, le don devient un canal politique et dip!omatique pour regler les differends interpersonnels, intertribaux ou interethniques. Cest pourquoi les Amerindiens accordent une enorme attention au don et en usent abondamment: « Les presens parmy les peuples font toutes les affaires du pays : ils essuient les larmes, ils appaisent la colere, ils ouvrent la porte dans les pays etrangers, ils delivrent les prisonniers, ils ressuschent les morts. On ne parle quasi et on ne respond que par des presens [...]»70. Les presents symbolisent la parole de leur donateur: ils repondent a des engagements, avalisent les demandes. Accepter un
67 Marcel MAUSS. Sociologie et anthropologie, Paris, Quadreige/P. U. F., 1993 (1950), p. 161-164, p. 205-214.
68 Ibid, p. 157-161, Marshall SAHLINS, Age de pierre. oge d’abondance, 1'economie des societes primitives% Paris, Gallimard, 1976, p. 204.
69 MAUSS, Sociologie et anthropologie, 1993, p. 173.
70 Relations des jesuites, 1972, vol. 3, 1642, p. 53 (Relation de YIMONT).