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institutionnel et social etabli. Selon le second, plus large, Weldes voudrait que cette critiąue agisse comme cheval de Troie afin de remettre en ąuestion les actions de 1’Etat dans le monde94. En adoptant les concepts de discours et culture organisationnelle, notre analyse s’inscrit donc dans ce premier programme de recherche sur la politiąue bureaucratiąue telle que presentee par Allison tout en y ajoutant, en complement lorsque c’est pertinent, une relecture des interets, des pouvoirs et donc de cette rationalite limitee des acteurs bureaucratiques95.
II demeure toutefois certaines critiques auxquelles ces apports conceptuels ne sauront repondre. Pour Erhard Friedberg, une lacune importante de 1’analyse de la politique bureaucratique presentee dans Essence of Decision est le manque de cohćrence entre les trois modćles96. Ceux-ci sont presentes de maniere distincte alors qu’ils sont necessairement inter-relies. Par exemple, les routines du deuxieme modele, le modele organisationnel, ne peuvent etre mises en oeuvre sans la politique bureaucratique du troisieme modele. Celui-ci n’est pour Friedberg qu’une subdivision du premier modele, celui de la rationalite pure. Aussi, pour Jonathan Bendor et Thomas Hammond, l’ouvrage Essence of Decision s’ćparpille a vouloir etre a la fois un guide de methodologie, d’histoire de la crise des missiles de Cuba, un manuel d’etude des prises de dćcisions97. Ce chaos des disciplines ne ferait qu’ajouter a la confusion. Bień qu’ils reconnaissent que l’ceuvre encourage la reflexivite devant les lacunes du modele de 1’acteur rationnel, le troisieme modele serait trop complexe pour etre operationnalise et applique adequatement h un cas concret. C’est aussi l’avis de Nelson Michaud, qui le juge trop complexe, et qui proposc d’ajouter le modele de structuration du pouvoir de Lemieux pour 1’amćliorer98. Finalement, sur le plan normatif, Stephen Krasner notę qu’un analyste qui utilise Papproche de politique bureaucratique masque le role preponderant du dirigeant". Ce faisant, il retire la responsabilite de 1’action etatique aux dirigeants qui pourront blamer leurs bureaucraties pour les erreurs et bevues du gouvemement. L’analyse centree sur les acteurs
94 Ibid. p. 224-225 n Ibid. p. 218
96 Erhard Friedberg,« Comment lirę les dćcisions? », Cultures el Conflils, numćro 36,2000, p. 100-108.
97 Jonathan Bendor et Thomas Hammond, « Rethinking Allison’s Models », American Political Science Review, volume 86, numero2, 1992, p. 301-322. Ces critiques prćciscnt ćgalcment quc les conclusions auxquclles arrivc Allison ne sont pas convenablement lićes aux hypotheses qu’il formule.
n Nelson Michaud, « Graham Allison et le paradigme bureaucratique » ainsi que « Bureaucratic Politics and the Shaping of Policies », op cii.
99 Stephen Krasner,« Are Bureaucracies Important? Or Allison Wondcrland », Foreign Policy, numćro 7, 1972, p. 159-179.