Cette evolution fatale ne s’explique pas en dernier lieu par le fait que renjeu etait trop grand, et que les champions se savaient trop regardes. Ainsi leurs efforts n’ont pas valu a la cause du christianisme, qu’ils vou-laient tous defendre, les avantages que les talents de ces apologistes sem-blaient promettre. Leur prestige personnel, au contraire, s’en est accru considerablement, surtout celui de Bossuet, qui avait su terrasser son adversaire le plus dangereux.
LE SUCCES DE SA METHODE.
A etudier cette periode de Thistoire religieuse des Pays-Bas on a Tim-pression que tous les theologiens qui prennent part a la controverse sont des etrangers. Jusqu,ici nous avons rencontre presque uniquement des noms franęais, et Ton dirait que les pretres et les pasteurs hollandais ne se sont point meles a la lutte. Si Ton s’en tient a la grandę controverse europeenne, on peut affirmer presque sans restrictions que cette impression est juste. Du cóte protestant ce sont en effet les desservants de TEglise wallonne qui sont entres en lice avec les catholiques de renom. Ils pouvaient concentrer toute leur activite sur cette grandę polemique religieuse, sans que des disputes dogmatiques ou philosophiques au sein de leur propre Eglise les detournent de leur tache importante. U n’en etait pas de meme pour leurs confreres de 1’Eglise hollandaise.
En Hollande la Reforme, qui a ses debuts aimait tant a se railler de la scolastique a laquelle TEglise romaine recourait volontiers pour justifier ses dogmes, avait introduit cet ennemi dans la place. Si paradoxal que cela puisse paraitre, cette meme scolastique meprisee battait son plein dans les facultes de theologie recemment fondees ou reorganisees 3G9). Les cours de controverse, qui au moyen age avaient fini par envahir tout Tenseigne-ment catholique, faisaient partie integrante des leęons calvinistes. Dans la premiere moitie du XVIIe siecle les theologiens protestants y approfon-dissaient systematiquement la doctrine definie ou determinee par les synodes, en polemisant avec les coryphees du catholicisme. Mais peu a peu la scolastique avait creuse un fosse entre Tuniversite et TEglise, et les besoins de celle-ci furent negliges de plus en plus. La controverse europeenne n'occupait plus que sporadiquement les professeurs de theologie. D’autres problemes les passionnaient. La guerre de quatre-vingts ans entre Cocceiens et Voetiens sur la philosophie de Descartes avait eclate. Malgre lui le savant franęais se voyait des 1’abord entraine dans le domaine theologique. Ces disputes violentes absorbaient Tattention de tous. D’autre
3C9) Prof. Dr. L. Knappert, Geschiedenis der Heruormde Kerk, t. I, P- 234 sq. Cf. pour la continuite entre la scolastiąue medievale et la scolastiąue protestante : F. Sassen, Het oudste wijsgeerig onderwijs te Leiden.
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