de Paris, comment puis-je csperer qu’on les levera; si le Roi est tellement prevcnu par ceux qui ne m’aiment pas, qu’un des Evćqucs dc France qu’on croirait devoir avoir plus d acces aupres de Sa Majeste, n’ose lui dire un seul mot en ma favcur, pour lui rcprescntcr qu’il n’y a rien de plus injustc que la manierę dont on me traitc...... qui oscra lui en parler?”
II s^mpatiente visiblement, et menace de ne plus rien publier. On lui avait demande d’ecrire un ouvrage contrę le systeme de la grace de Male-branche 221). Mais ses livres lui ont valu deja dassez graves pertes d'argent. II n’en fera plus aucun, sans etre assure qu’on pourrait le vendre a Paris. „Ce systeme ne faisant point de bruit ici, le livre qui le refuterait n’y serait point de debit”, ecrit-il, et il termine sa lettre par un reproche direct.
„C’est ce que vous pourriez, Monseigncur, representer a Monsieur de Mcaux, qui pourrait en prendrc occasion de parler plus fortement qu’il n’a cru devoir faire jusqu’ici, des injustices que Yon me fait” 222).
Neercassel reproduit entierement ces arguments dans une lettre qu’il ćcrit le 14 juillet:
„II ne peut vraimcnt pas trouver d’ćditeurs qui vcuillcnt imprimer ses livres, tant que >lcs portes dc Paris leur restent fermees. II attend a pcine quelque fruit de ccttc refutation dc Malebranche, a moins quc le contre-poison de la saine doctrine puisse etre distribue la ou le poison des dogmes hetero-doxcs a ćte repandu. Ces circonstances defavorables freinent le żele de 1’homme excellcnt, surtout puisqu’il n’est pas du tout capable de faire les frais neces-saires a 1’edition, vu la modicitć de ses finances” 223).
Mais Neercassel se ravise, n’expedie pas cette lettre, et dans la redaction definitive il raye tout le passage pour le remplacer par la suggestion sobre et generale:
„Vraiment, le peu de fruits que ses livrcs rapportent, tant que les portes de Paris lui resteront fermees, freinc le żele de cet homme illustrc” 224).
Bossuet s’est montre encore plus reserve. Pas plus que les autres lettres, cette derniere ne lui a fait faire de demarches pour Arnauld. On peut trouver des causes politiques pour expliquer cette conduite. Dans sa reponse a Jurieu, Arnauld avait ete amene par son adversaire a parler de la Regale. II l’avait fait avec beaucoup de retenue et de moderation, ce qui nJem-pechait pas qu’a ce moment-la ce n’etait pas pour plaire au roi, surtout de la part d’un ami des eveques refractaires. Appliquant rigoureusement ses principes politiques, Louis XIV se melait alors des questions religieuses avec une autorite qui ne tolerait pas de contradiction. Toute demarche aurait ete inutile et aurait valu la disgrace a celui qui lentreprendrait.
221) Suivant ce systeme l’ame humainc de Jesus-Christ est la cause occasionnelle dc la distribution de la grace par le choix qu,clle fait de certaines personnes pour demander a Dieu qu’Il la leur envoie; et comme cette ame, toute parfaite qu,cllc est, est finie, il se peut que 1’ordrc de la grace ait ses defcctuosites, aussi bicn quc celui de la naturę.
222) Correspondance, t. II, Appendice VI, j>. 488.
223) Lettre inćdite, cf. Appendice III.
224) Le 22 juillet 1683, Correspondance, t. II, p. 389.
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