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frere cadet du duc de Bourgogne Jean sans Peur, soit consignee par ecrit (IV, 474). En 1413, les universitaires parisiens pressent Michel Pintoin d'inserer dans sa chroniąue le texte d'une lettre qu'ils viennent d'approuver en assemblee (V, 196). De maniere plus generale, le Reiigieux doit tenir compte de l'avis des "circurnspecti* et des "scientificF avec qui il est continuellement en contact (O, 48, 452; V, 154; VI, 330)50.
Afin de mieux s'acquitter de sa tache de conservateur de la metnoire du royaume de France, Michel Pintoin a choisi d'enrichir sa narration en y inserant ou en y abregeant, parfois tadtement mais le plus souvent ouvertement, un nombre significatif de documents ecrits. A cet egard, son oeuvre constitue une nette rupture par rapport a la tradition historiographiąue sandionysienne: avant lui, les historiens iocaux avaient toujours produit de purs rechs, dans lesquels la place occupee par la documentation ecrite etait pratiąuement negligeable. Dans la Chroniąue de Charles VI, les documents representent au contraire pres du quart de 1’ensemble du texte. Ils sont cependant inegalement repartis: pratiąuement absents pour la periode comprise entre 1380 et 1391, ils occupent a partir de 1392 une place variab!e mais toujours considerable, qui peut depasser 50% pour certaines annees51. Parmi les documents dont s‘est setvi le chroniąueur, certains - traites, ordonnances, lettres de propagandę, etc. - ont un caractere eminemment public: les autorites concemees ont donc pris soin d'en assurer la diffiision. On peut ranger dans cette categorie les textes de certains discours de circonstance: on sait par exemple que Jean sans Peur a fait circuler dans tout le royaume des copies de 1'apologie du meurtre du duc d’Orleans, prononcee par le theologien Jean Petit en mars 140852. D'autres documents, tels que les rapports d'ambassades, sont de naturę beaucoup plus confidentielle: Michel Pintoin en a obtenu copie grace a ses contacts avec la chancellerie royale, ou il compte des amis tres fideles53. La fiabilite des abreges foumis par le Religieux varie d'une
50 Voir B. Guenee. "Documents inseres et documents abreges". p. 379.
51 Pour tout ce qui precede. voir ibid., pp. 375-378. Ce changement significatif du profil de l'oeuvTe correspond peut-etre au moment ou 1'abbe Guy de Monceaux a charge Michel Pintoin d'ćchre une chroniąue du roi regnant: en eflTet on situe genćralement cet ćpisode vers 1390. Si tei est le cas. le chroniąueur aurail donc commencć a rasscmbler systematiąuement des materiaux pour son entreprise seulement i partir du dćbut des annćes 1390. ce qui pourrait expliquer la relative pau\Tete documentaire de la section ou il traite de la premićre dćcennie du regne.
52 Ce discours fera plus loin 1'objet d'une analyse approfondie: voir infira., pp. 78-85.
53 Parmi ceux-ci figurent notamment Jean de Montreuil et Gontier CoL tous deux notaires et secrćtaires du roi: voir B. Guenće, "Michel Pintoin: sa vie, son oeuvre". pp. XXTV-XXV. La ąualitć documentaire de la chroniąue se ressentira de leur disparition tragiąue. sunenue en 1418. Au sujet du traitement des rapports d'ambassades dans la Chroniąue du Rełigieux de Saint-Denis, voir infra., pp. 49-52.