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de Bourgogne Jean sans Peur, inspire aina a notre auteur de longs developpements sur le caprices de la fortunę et la fragilite des honneurs temporels10.
Le tetnoignage de Michel Fintom est donc ioin d’etre nalf. Sa chronique est un construction patiemment elaboree, Foeuvre d’un auteur conscient du poids des mots e soucieux de s’en tenir a ce qui paralt a ses yeux 1’essentiel1 2 L’examen attentif des ąualificatif accoles par le chroniqueur a tel individu ou a telle categorie sociale ou professionnelle perme donc de mieux saisir ce qu’a ete la societe politique franęaise au temps de Charles VI; il aid surtout a comprendre ce que le chantre de Saint-Denis aurait voulu qu’elle soit. Dans c premier chapitre, nous verrons comment Michel Pintoin hisse !’eloquence au rang des qualhe essentielles que doit posseder tout homme amene a intervenir sur la scene publique. Cett valorisation enthousiaste, de la part d’un cterc, de 1’art de persuader, et donc de 1’eflRcacite e du savoir-faire, constitue a nos yeux l’un des traits majeurs de la lente transformation, au cour des XTV* et XV* siecles, de la conscience politique "medievale" en conscience po!itiqu< “modeme** Nous etudierons d’abord le regard porte par le chroniqueur sur la societe laiqu (princes, chevaliers, serviteurs de FEtat, peuple), pour examiner ensuite le monde des clerc (universitaires, prelats et pontifes). En terminant, nous verrons comment F import ance attache par le chroniqueur a Fart oratoire a pu influencer son traitement des sources ecrites d’origini diplomatique (rapports d’ambas$ades) qu’il a eues entre les mains
Les contemporains de Charles VI comparaient volontiers la societe qui etait la leur a ui corps "mystique" ou "politique", dont le roi aurait represente la tete, les princes du sang le yeux^ les chevaliers les bras et le commun peuple, les membres inferieurs12. Inspire
10 ”Ceux qui om la pnncipale autonte dans les cours [...J vcnonu en iisant Fhistoire de France (Francorun legant annales). que jamais la fomine n entraina personne vers sa ruinę a\ec plus de rapiditć" (IV. 266*267] La deposition de Richard II en 1399 (IL 702) et le proces intenie en 1413 a Tancien prćvót de Paris Pierre de Essarts (V. 74*78) foumissent au chroniąueur Foccasion d’ćmettre des reflexions similaircs.
Le Religieux reaffirme constamment son intention d’ćviter les longueurs (vitando prolixitatem: L 240 prolixitatem declincms studiose: II, 428): il entend laisser de cóte les details (singula, particular\ay specialia pour se concenirer sur les "generalia" et les "principalia punctamy afin, dit-il, de ne pas lasser son lecteu (lectorem attediare: EL 434 et 452). Voir B. Guenee. "Michel Pintoin: sa vie, son oeuvre". p. XLV0.
12 B. Guenee. Un meunre. une societś, pp. 21 et 35.