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Mar di 30. — Aprćs le dćpart de Jean, on nous a dii que son fr£re, valet du reclcur de Plouvorn. et qui est en prison pour la revoltc, doit ćtre guillotine aujourd’hui.
Ma chćre tante a fait partir aujourd'hui łe bon-hmninc Kannou pour rumencr lu cliarrelte en cas que l’exćcution ait eu lieu : mais Jean est revcnu disant que les prisonniers nc seront juges quc demain, et qu’il espłrc que son frere sera dćlivre. Lcpcndant, on mc mande de Landerneau qu’on craint beaucoup que le malhoureux ne soit executć, parce q.u’on dit qu*il est le plus compromis. Pourtant, il n’a rien fait de plus que les autres et n’a cherche personne pour sa rćvolte : il a suivi tous les autres : mais il est valet d’un pretrc non assermentiś et c’est un grand crimc : aussi 1’aniniosite, la haine, i'injustice signcront peut-ćtrc son arr£t de mort.
Jeudi 2 Mai. —• Le fr£re de Jean est sorti ce matin dc prison ainsi (pic tous les autres prisonniers de Plouvorn et le maire : je ne sais si 6 Lesneven on a absous de inćine les paysans : je le dćsire bien : cc sera autant de criines de moins a rcprocher au dis-trict. Le beau-frere de Jean est venu coucher ici pour porter cette bonne nouvelle.
Dimanche 12. — L’intrus a ehantć la grand’messc a Plougar. Le maire de Plounćventer a chante les v£prcs et lu la Vie des Saints il Saint-Derricn ; puis il a annonce que les portes de la chapelle de cc village seraient fermees. puis murćes cette semaine.
Lundi 13. — On nous a ćcrit de Paris |>our nous demander des cerliflcats, aftn de toucher nos pensions. Mais coiunie pour obtcnir ces certiflcuts k Lesneven, il fant faire je ne sais quelle decluration et un ser-inent, et que nous ne ferons ja mais que cclui de \ivre et dc mourir dans le sein de 1’Eglise catholique, apos-tolique et romainc, et d’etre fideles a 1’autoritć Ićgi-
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time. nous n’aurons pas lesou. Mais c’est ćgal : il vaut mieux motirir de faiiń que d’ćtre impie et parjure.
Mercredi 15. — I-e juge de paix nous a envoyć, !e soir, une lettre dc Manette : elle nous apprend que maman a enfin obtenu la main levee de ses bicns, et puis qu'ellcs ont obtenu du district la permission de sc proinener dans les environs dc la ville. Du Couedic, procureur syndic. a ajoutć : « Pourvu que ce ne soit pas toutefois pour chcrcher des prćtres rćfractaires. * Cette condition a fait rire mes so*urs, parce qu’elle est hien inutile ; attendu que tous les bons pretres sont caches. et quc surcment ils ne viendront pas confcsscr des surveillćs aux environs de I,esneven : aussi niaman a-t-elle souscrit h cette clause ; et ses cnfants ont maintenant la pennission d’aller ik la promenadę.
Jeudi 6 Juin. — Calarmóu est venu nous porter de nouvcaux certiflcats a signer, parce qu’en depil de la łoi qui n’exige que huit temoins, le district a rejetć les certificats de maman que le dćpartement avait reęus en lui accordant la main levee : ct le dit district empćchc maman de jouir de ccttc main*1evće, jusqu’& ce qu’elle lui ait presentć des certiflcats signćs par dix temoins. Et si. ils nc lui sont pas prćsentes la semaine prochaine, tous les biens dc maman seront saisis de nouveau.
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Murdi 16 Juin 1796. — Banquct de noce du His et de la filie de Fnujour du Koudoussc ; suivant les dć-crcts, ils n’ont pas cu besoin de sc faire marier par 1'intrus de Plougar : le maire a passi1 les bans : a mis les nonis des ćpoux ct des epouses sur ses cahiers, et cela remplace la benediction d’un prćtrc qui, suivant les lois actuelles de France, n’est nullcment necessaire. Mais ces honn^tes gens qui tiennent encore u la reli-gion dc Icurs anciMres se sont fait marier selon fancien usage, mais secrćtement par un pretre non assermenlć, c’est-śi-dire, catholique, apostolique et romain.