est evident que nous ne voulions pas nous laisser enfermer dans un seul style. J'ai entendu des cordes en ecrivant cette chanson. Comme des accords somptueux, qui se suffiraient a eux-memes, tres riches, et, comment dire. juste des accords tres sombres. » Butler se mit donc au travail avec Shannon Birchall, son bassiste, qui avait lexpe-rience des orchestres symphoniques, et qui avait beaucoup ecrit et arrange pour les cordes. Shannon dirigea lui-meme la section de dix musiciens. violons, altos, violoncelles et contrebasse. La chanson prenait ainsi un virage pop. avec son theme familier evoquant les problemes de relations et de communication de deux amants que tout separait. Avec Damned To Heli, Butler retournait a une country primitive, avec une version minimalistę melant le banjo et la voix. Butler s accompagnant tout seul dun banjo cinq-cordes joue en fraiting, dans un style flirtant avec le old-time.
Apres 1'intimiste Seeing Angels, une chanson « qui invite les gens dans un lieu tres vulnerable et tres personnel», Therell Come A Time emmena lalbum sur un rythme de Cascade. Butler laissait a nouveau parler sa fibrę ecologiste.« La terre est importante pour moi. C est elle qui m'a fait. En plus de ma mere. cest bien elle qui ma fait. Jai un grand respect pour ęa, et un rapport profond avec elle qu'il est difficile d'exprimer par des mots. Mais elle m'inspire. » Suivait Zebra, le simple de l album, porte par un riff de basse seduisant, puis Mist, un instrumental d'influence celtique ou Butler lachait son jeu de guitare, et ou paradoxalement il montrait ses limites en se mesurant trop directement aux virtuoses de ce genre dexercice. Apres Old Man arrivait Sometimes, une folie audacieuse de 17 minutes (bon. 7 minutes de chants doiseaux !) la guitare et la voix se retrou-vant en tete a tete. Butler maniait sa guitare onze-cordes douce-ment. comme un corps qui se reveille, puis la magie operait, le ton montait, les collegues rappliquaient. et l on realise la capacite qu ont ces trois excellents musiciens a creer ambiances et contrastes avec les seuls moyens de leur trio denude. La musique declinee sur cette piste, comme sur tout lalbum, oscillait du plus calme au plus intense, avec une economie de moyens et un savoir-faire qui forcent l admiration. Le jeu de Butler,’le guitariste, etait parfai-tement senti, toujours adapte a la chanson et a la situation, jamais demonstratif, et le long solo de cette plagę le confirme.
« Sunrise Over Sea ». troisieme album du chanteur. sortit en mars 2004, toujours sous le label Jarrah Records. et devint disque d or la premiere semaine apres sa sortie. Lalbum fit ses debuts dans les charts australiens a la premiere place le 15 mars. Butler remporta trois trophees (sur cinq nominations) aux Aria Awards, en mars 2004 et devint rapidement quadruple platine dans son pays d origine. Butler avait demande a Tom Walker de lui concocter une pochette dans 1’esprit convivial dans lequel il avait ete realise, de retenir ce cóte communautaire, la philoso-
phie depenaillee et partageuse du jam-band. Lartiste conęut une pochette simplissime, mais tres efficace. Avec une misę en page tres seventies. des tons sepias, une pochette usee en papier recycle, laissant apparaTtre la rondelle d un vieux vinyle, le carton tache et ecome des disques a lancienne qui vivaient leur vie dune chambre a une autre. Sur la photo. l artiste. pose en coin de studio (de rue ?), l enorme pedalier sous les sandales, dreadlocks a l air, bras nus, sur un tapis douteux, se concentrait sur sa douze-cordes. comme a la grandę epoque de la manche quotidienne. En ouvrant le bottier, on decouvrait une empreinte de main, comme un temoi-gnage rupestre, une signature primitive chargee de sens. Cest cet album en particulier qui commenęa a le populariser a travers le monde, notamment aux Etats-Unis et en Europę ou le John Butler Trio commenęa a tourner en 2004, apres sa sortie. II se detachait alors du peloton d'artistes auxquels on l'avait longtemps associe sans trop le distinguer, en particulier Dave Matthews (il a ouvert pour lui).
Butler a une sorte de conscience professionnelle artisanale qui le pousse a vivre sa musique comme un petit metier. S'il a fait ses preuves en chantant dans les rues. la roue tourne et les salles sont devenues de plus en plus grandes. II a pourtant su garder le cóte bricole et les moyens du bord des debuts, qui ont fait son succes, et que paradoxalement le public ne lui pardonnerait pas d abandonner. Mais latout essentiel de Butler reste son assiduite a parcourir la planete pour precher sa bonne parole, cet esprit romanichel et fantasque qui le pousse a trainer sa caravane toujours un peu plus loin.« Jadore partagerla musique. Cest ce qui m a donnę envie de quitter mon salon, puis de quitter ma ville, puis mon Śtat, puis mon pays. simplement parce que l'envie de parta-ger est toujours aussi forte. »
~ Christian Seguret
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