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partir loin pour eviter que sa sensibilitć s'afTaiblisse. Les deux antago-nistes de la nouvelle d'Eberhardt procćdent au róglement de comptes : Abdelkader impuissant en tant qu’indigene et soldat, dćcide de ne pas se rengager, humilić, meprise des hommes, il ne pense qu’a se venger. II choisit bien le moment pour tuer le capitaine de Lavaux; arretć cinq jours apres son crime, il sera condamne & mort.
Le requisitoire fut brillant. - II faut un exemple, dit le commissaire du gouvernement en terminant. II faut montrer a nos sujets que nous ne ferons pas quartier a leur fanatisme sauvage. II faut que le Conseil se montre impitoyable envers le scelćrat qui a osć lever une main sacrilege contrę le drapeau tricolore, en tuant un ofTicier que nous pleurons tous.178
Ainsi, Eberhardt participe-t-elle a la discussion sur la colonisation franęaise qui a lieu justement au moment de la publication de cette nouvelle en 1902, annee de 1’afTaire Margueritte. Abdelkader reste impas-sible lors de la lecture du verdict, seulement sa main fait le geste «rćsigne du musulman annihilant son vouloir devant le mektoub inćluctable.»179 Le president de la Republique commue sa peine et Abdelkader s’en va «de l’autre cótć de la terre». Dans cette nouvelle, Eberhardt n’esquisse pas seulement des silhouettes bien typees d'autochtones algeriens, elle va beaucoup plus loin, en employant des mots durs, accusant la politique de la France dans ses colonies.
La Rosę de Sabie redigee entre 1930 et 1932, publiee entierement en 1968,
est le roman de l’echec de la colonisation franęaise en Afrique du Nord.
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Malgre les efforts du lieutenant Auligny, jeune militaire idćaliste, sincere-ment amoureux d’une petite bedouine, aucun lien vćritable ne peut s’etablir entre Franęais et Arabes. Auligny est tuć dans une ćmeute. L’ouvrage montre sans complaisance le gachis d’une occupation que Montherlant au-rait voulu fraternelle, ou, en tout cas, respectueuse des vaincus et civili-satrice.180
Tel est le plus court resumć de cet ample roman de six cents pages qui offre un materie! tres riche en observations sociologiques, politiques, morales. D’ailleurs ce livre est fonde sur Pexperience africaine de Mon-171 Ibid., p. 189.
179 Ibid.
,M A. Blanc, L'esthelique de Montherlant, Paris, CDU et Sedes, 1995, p. 79.