mon excursion a l’un des vigno-bles les plus renom mćs du Me-doc, on me fit aussi gouter du vin en cercie, de Fannee precedentę, 1842, et celui-ci, je le trouvai ex-cellent et plus propre a etre servi comme un vin distingue que le vin vieux dont on nous avait fait 1’honneur. Cette observation m’en rappela une de meme naturę, qu‘un gourmet hongrois ou alle-mand m’avait faite en 1939 a Pesth ou k Vienne ; c'ćtait qu’on preferait maintenant dans Fun et Fautre de ces pays les vins jeunes aux vins vieux. Alors cette obser-vation me parut inspirće par un gout peu delicat, peu surprenant de la part d’un barbare, comme aurait dit un Romain. Cette dć-cheance du merite des vins vieux de Bordeaux est donc bien reelle; ils s’usent trop vite, et je crois en avoir trouve la • cause : Fusage trop absolu de Fegrappage et la culture trop exclusive des Caber-nets. Du reste, le commerce, qui est Fautorite la plus surę en cette matiere, a bien reconnu ce defaut des meilleurs vins de Bordeaux, et c’est pour cela que les plus habi-les et les plus honnetes en meme temps se permettent des melanges • dont on aurait bien tort de se plaindre; car loin d’etre une* fraude, ils ne sont vraiment qu'une amelioration innocente, bien entendu quand ces melanges se reduisent a Faddition d’une certaine proportion de vin de Ca-hors, de FHermitage ou de Beni-Carlo.
Les proprietaires auraient donc quelque chose de mieux a faire que ce qu’ils font : et quelques-uns Font bien senti en introdui-sant des plants de Syrah, qui est le plus cultive au vignoble de FHermitage dans leurs nouvelles plantations. Les chimistes leur ont bien prescrit Faddition de Falcool pour pafer k la froideur de leurs vins, et on n’a que trop souvent suivi leur conseil; car un vrai gourmet ne manquera guere de s’apercevoir de la presence de Falcool ajoute, sensation toujours de-sagreable pour lui, si bonne que soit Feau-de-vie, parce que la franchise du gout du vin en est 8 toujours plus ou moins alteree.
Quant a ce gout plein qu’on ap-pelle le corps du vin, que les meilleurs vins perdent maintenant tres vite, comme les chimistes ne sont jamais embarrasses, ils au-ront surement quelque tartrate ou de la glucose a votre service; mais on pense bien que Fcenolo-gue le plus grand ennemi des dro-gues ne peut guere s'accommoder de cette prescription.
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Des vins du Languedoc, le comte Odart ne daigne pas dire grami chose. Se demandant pour-quoi le plant breton na pas etć introduit dans cette province, il ecrit seulement :
On pourrait demander pourquoi ce plant ne s’est pas repandu dans nos departements du Midi, tandis qu’il a penetre assez avant dans le. Nord, et avec succes. Je repondrai qu'en beaucoup de pays Fon prefere a la qualite une abon-dance excessive, et que le Caber-net ou Breton est un cepage sagę, qui donnę suffisamment et regu-lidrement, mais non pas a la manierę du Gamay, du Liverdun, de la Picquepoul et de FAramon. Je citerai a Fappui de mon explica-tion ce passage imprime d’un arti-cle d'un des plus grands proprietaires de vignes de FHerault, qui en a fait Fessai : « Le Cabernet me parait trop peu productif pour que la culture de ce cepage puisse se propager dans le Midi.» On pense bien que par cette meme raison les Pinots de Bourgogne y sont encore moins bien accueillis. Les Bourguignons et les Bordelais n’ont donc p>oint a redouter la ri-valite de cette vaste contree dont le climat favoriserait si. bien la production des bons vins.
Notre vigoureux Antique est peu indulgent pour les vins de Bourgogne (du moins pour ceux auxquels on ajoute de « la glucose »), il est franchement injurieux pour les vi-gnobles de la region parisienne, et, dans son premier livre, il ignore le Champagne.
En revanche, il eprouve une grandę tendresse pour les vins de Franche-Comte, en particulier pour ceux de Salins :
Je suis bien porte a croire que si Henri IV, qui avait un gout de-cide pour le vin d'Arbois et qui repara si galamment la courte vengeance qu’il avait tiree de son cousin le duc de Mayenne en cal-mant ses esprits agites par quel-ques rasades de ce vin dejk re-nomme, eut connu les jolis vins mousseux qui se font maintenant aux Arsures, a Pupillin et autres bons vignobles des environs d’Ar-bois, et surtout ceux des environs de Salins, il eut pousse son innocente vengeance jusqu’a voir rou-ler a ses pieds ou du moins chan-celer le chef des ligueurs. Je dois dire cependant que je n’en parle ici que par induction : je ne connais bien, je ne peux affirmer pertinemment que Fexquise qua-lite des vins mousseux de Salins.
Mais cest au vin de Perse, aux vignobles de Shi raz, qu'Alexandre Odart reserve ses plus beaux elo-ges :
« On ne peut pas douter que, si la culture de la vigne n'etait pas comprimee en Perse, de meme qu’en Turquie, par la domination intolerante et fanatique des secta-teurs de Mahomet, cette contree ne produisit une grandę quantite de bons vins, puisque dans cet etat d’asservissement a des volon-tes arbitraires et cupides, il existe encore quelques vignobles renom-mes, et par dessus tous les autres, celui de Shiraz.
Le vin qu’il produit a ćte trouve, au rapport de Fhabile cenologue Julien, qui en avait fait venir, soit pour son commerce, soit pour son instruction, d’un bon gout, riche en seve et en parfum, corsć et spiritucux. Sa couleur