Apres s’etre ainsi promus eux-memes au rang des Catholiąues Romains les plus zeles, les plus savants et les plus pieux, ils vont s^mployer a reduire au silence la deuxieme categorie de leurs adversaires. A cette intention ils transcrivent mot a mot ce qui se rapporte a Bossuet dans YExposiłion de Doctrine, envoyee a Benoit XIV au mois d octobre 1744, et dont ils ont appris „par des temoignages qui ne sont point a mepriser, que ce Papę, apres en avoir entendu lecture...... demeura satisfait” 310).
Sous ce haut patronage ils croyaient leur foi desormais sauve. Resolus a esperer envers et contrę tout ils envoyerent les actes du concile au papę et a un nombre d’archeveques et d’eveques. „Comme la Correspondance doit etre telle dans tout le Corps de TEglise, que ce que fait chaque eveque selon la regle et dans Tesprit de Tunite catholique, toute 1’Eglise, tout rEpiscopat et le chef de TEpiscopat le fasse avec lui” 311), ils ne doutaient pas que toute TEglise napplaudirait un jour a ce qu’ils avaient fait en son nom.
Ils avaient voulu faire d’une pierre deux coups. Ils n'eurent en fait que deux deceptions a recueillir. Les arguments d’autorite n’etaient pas plus propres a impressionner Pierre le Clerc qu’a convaincre les protestants. Bossuet etait un grand homme. D’accord! Mais il restait homme comme tous les autres, et on devait lirę ses ouvrages avec d’autant plus de pre-caution que son nom, sa reputation et ses talents etaient grands 312). L’Ecri-ture restait pour eux la seule regle de la foi.
D’autre part la reponse du papę coupa court a leurs pretentions d'union avec TEglise Romaine et de soumission respectueuse au successeur du prince des apótres313).
Nourris de 1’esprit de ceux qui se croient predestines a la souffrance et au salut, ils tardaient a se rendre a Tevidence. En 1774 Dupac de Belle-garde entreprit encore en vain le long voyage de Romę. En fait, d’ores et deja, TEglise d^trecht etait coupee de la tradition romaine et con-damnee a se retrecir de plus en plus. Alors que le dogme catholique, pos-
31°) Actes et Decrets, p. 24 sq. La suitę de ces Actes nous montre a quel point et sous quelle formę Bossuet etait present a Pesprit des membres de Tassemblee. Ils cdcnt son nom a propos des sujcts les plus divers : le Schismc des Grecs (p. 77, 88-89); la primautć du papę (p. 116-118; en dehors de \’Exposition ils y citent YHistoire des Variations et YAppendtx ad Declarationem Cleri Gallicant); le tćmoig-nage des Saints-Percs et Tautorite de TEglisc dispcrsće (p. 138-139, 142); les dis-positions necessaires pour rcccvoir fabsolution et la Communion (p. 244. lis citcnt sa lcttrc a Nćcrcasscl sur YAmor Poenitens); et les principes des nouvcaux casuistes sur la regle des mocurs (p. 274). La ou il s’agit de la grace, du librę arbitrc et de la predestination, on chcrcherait son nom en vain. II n?est toujours pas pour eux le doctcur de la grace.
31 ]) Lettre circulaire a Nosseigneurs les Arckevćques et Eveques} 1764.
312) P. le Clerc, Lettre a Messieurs les...... membres du concile assemble a
Utrecht, 1763.
313) Dans son Bref Sine Acerbo du 30 avril 1765 il condamna le concile aussi bien que le Iivre des Actes et Decrets.
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