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Si lc memoire de Mendel n'a pas eu le retentissement qu'il aurait du avoir aupres de ses contemporains, c'est que ceux-ci n'etaient pas encore aptes a recevoir son message et que celui-ci heurtait un grand nombre de croyances de l'ćpoque. Les biologistes d'aIors ne s'interessent guere qu’a 1'espece. Ils sont divisćs en deux camps, les fixistes persuades que toutes les cspeces ont etc crććes des le debut telles qu,elles sont actuellement, et qu'elles sont immuables, les transformistes, croyant k 1'action du milieu, a Theredite des caracteres acquis, certains aliant jusqu'a dire que la fonction cree Torgane. Quant aux botanistes et zoologistes, certains, comme le montre la correspondance de Mendel avec NSgeli, ne croient qu a 1’heredite melangee : un homme blanc marie a une femme noire ou l'inverse n'ont-ils pas des enfants mulatres ? Un Mirabilis a fleurs rouges pollinise par un Mirabilis k fleurs blanches ne donne-t-il pas un Mirabilis a fleurs roses ? En outre la plupart sont persuades que les phćnomenes de Therćdite ne suivent aucune loi, que Thybridation provoque un affolement de la plante et que le meilleur moyen pour obtenir des mutations est precisement d'affoler les plantes par des croisements repetes. Enfin les Iois de Mendel ne concernent que les hybrides fćconds d'un croisement de deux varićtćs appartenant a la memc espece, cc que Ton appelait alors les mćtis, alors qu'en geniral les horticulteurs ou agronomes hybrideurs de l'epoque croyaient que Ton ne pouvait obtenir de combinaisons vraiment nouvelles et interessantes que par le croisement de deux especes nettement differentes. On tentait de croiser un peu nimporte quoi et quand on avait la chance d'obtenir un hybride presentant quelque interet, on le multipliait par voie vegetative. On avait ainsi obtenu des clones de peupliers, de pommes de terre et de nombreuses plantes ornementales.
Cependant le memoire de Mendel fera l'objet des theses de doctorat du Suedois Blomberg en 1872 et du Russe Schmaliiausen en 1874 et retiendra 1'attention de deux chercheurs :
— Hoffman, de rUniversitć de Giessen qui, publiant en 1866 un compte rendu sur les resultats de ses croisements de haricots, donnę une reference se rapportant au travail de Mendel, mais cette reference n'a ete relevee qufen 1925 par Punnet !
— L’Allemand W.O. Focke, publiant en 1881 « Pflanzenmischlinge », une listę de tous les hybrides connus, fait mention du memoire de Mendel et c'est grace k cette reference bibliographique que ce memoire put etre retrouve.
En 1900, a quelques semaines d'intervalle, trois chercheurs qui avaient travaille separement, de Vries en Hollande sur les (Enotheres, Correns en Allemagne sur des mais et des pois, Tsciiermak en Autriche sur des pois, vont publier les resultats de leurs travaux confirmant les resultats de Mendel.
Ce fut Correns qui le premier appela « lois de Mendel » les conclusions de Mendel. La redecouverte des Iois de Mendel eut un retentissement considerable. Si, pour certains eleves, les travaux de Mendel se resument en de fastidieux calculs de probabilite, le genie de Mendel a ete non seulement de nous faire envisager, mais aussi de nous demontrer, en utilisant le calcul des probabilites, que les caracteres hereditaires devaient etre consideres comme des entites independantes, stables, transposables, juxtaposables, reapparaissant inchangees, meme apres avoir ćte masquees pendant plusieurs generations, et ceci avant la dćcouverte des genes et des chromosomes, puis de nous avoir dćmontre 1'interet de la separation des caracteres allćlcs dans les gametes, aussi bien les gametes males que les gametes femelles, et cela avant la decouverte de la meiose et de la reduction chromatique.